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À UN ABSENT.

Une plaine au soleil, dont, pendant tout un jour,
Le plus rude arpenteur ne ferait pas le tour.
Nombreux sont vos troupeaux, nombreuses sont vos fermes ;
Vous avez des jardins aux fleurs de tous les germes ;
Vous avez des coteaux où, plantés par milliers,
Vos ceps donnent un vin connu dans les celliers.
Mais que vous sert, hélas ! tant de magnificence ?
Le manoir est fermé, triste de votre absence.
Du maître qui l’oublie accusant l’abandon,
Le seuil en est couvert de ronce et de chardon.
La tour de vos aïeux s’écroule pierre à pierre ;
Au dedans, au dehors, tout est deuil et poussière !
Dans l’alcôve assombrie où fut votre berceau,
La paisible araignée achève son réseau.
Dans le jardin, témoin de vos jeunes folies,
Les roses du printemps s’effeuillent non cueillies.
L’eau tarit ; l’arbre meurt ; livrés à tout hasard,
Vos champs sont cultivés sans mesure et sans art ;
D’avides laboureurs aux terres surmenées
Arrachent dans un an le fruit de dix années ;
Le reste s’accomplit en quelques soins grossiers.
Vous le dirai-je enfin ? vos libres tenanciers,
Disposant à leur gré du bien de vos ancêtres,
Finiront un matin par s’en croire les maîtres !