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LA VIE RURALE.

Saints habitants du cloître, aux humbles paysans
Vous fûtes des amis sans cesse bienfaisants.
Dieu vous avait unis d’un lien manifeste,
Vous, rudes ouvriers de la moisson céleste,
Ardents à l’oraison, à l’extase, à l’amour,
Eux, au sillon terrestre inclinés chaque jour,
Et, pour tirer l’épi d’une ingrate poussière,
S’usant à ce travail — qui vaut une prière !

Que dis-je ! aux durs labeurs devançant nos fermiers,
À labourer le sol vous fûtes les premiers :
Cette terre, aujourd’hui riant jardin du monde,
La France était encore une lande inféconde ;
C’était — aux premiers temps de ces rois chevelus
Que le flot germanique apporta dans son flux —
Une immense forêt dont, sans pâlir de crainte,
Nul homme n’abordait le profond labyrinthe.
Là, du nord au midi, partout, nés au hasard,
Croissaient le noir sapin et l’aune et le foyard ;
Là, le lierre et la ronce, entrelaçant leurs chaînes,
Couraient du frêne à l’orme et des trembles aux chênes.
À travers ce réseau d’inextricables nœuds,
Les étangs, les marais, pleins d’hôtes vénéneux,
Dormaient. Que, d’aventure, au sein du fourré sombre