Page:Autran - Œuvres complètes, t2, 1875.djvu/393

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
382
LA VIE RURALE.

À la Madone agreste y tressaient des guirlandes.
C’est là, près du torrent, au murmure des bois,
Qu’enfant je lus René pour la première fois.
C’était un soir d’automne, et sur les plaines sombres
La nue à chaque instant courait en larges ombres,
Et, secouée au vent, la feuille des rameaux
En tombant sur la page y dérobait les mots !…
N’est-ce pas ici même, enfin, — pourquoi le taire ?
Que tous deux, réunis au sentier solitaire,
Elle et moi, nous allions, quand la fleur du chemin
Lentement s’effeuillait de sa main dans ma main ;
Et que le vent léger, qui la nuit s’y balance,
Exhalait des soupirs moins doux que son silence ?…
Non, non, si tout cela cesse un jour d’être cher ;
Sans un noir déplaisir, sans un regret amer,
Si l’on vend un matin son paradis intime,
Et si le lingot d’or a seul droit à l’estime,
N’en parions plus. C’est bien. Je ne suis, j’y consens,
Qu’un rêveur qui du monde ignore encor le sens,
Et je reste à jamais indigne, quand il passe,
De regarder Giton ou Turcaret en face !…

Adieu ! — Songe après tout, grand homme du report,
Que le temps où l’on cause est un capital mort !