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LA VIE RURALE.

Les chevreaux et le chien restent loin du modèle ;
L’inhabile ciseau s’égare maintes fois :
Saluons-la, pourtant, cette coupe de bois !
Si l’ouvrage est informe et si l’outil fut gauche,
Qu’importe ? vénérons cette grossière ébauche.
De tout chef-d’œuvre humain c’est le commencement.
Tout débute ici-bas par un tâtonnement,
Et chacun des grands arts qu’on adore sur terre
A pour humble inventeur ce berger solitaire !
D’autres pour moissonner se lèveront plus tard ;
Lui creuse le sillon, il inaugure l’art,
Il s’inspire de toi, solitude féconde !
Et, dans un jeu naïf, parfois il crée un monde !
Faut-il étudier, d’un œil novice encor,
Les cieux, la vaste nuit pleine d’étoiles d’or ?
Du fond de vos déserts, pâtres de la Chaldée,
C’est par vous les premiers que leur voûte est sondée ;
C’est vous qui, tout d’abord, sans règle et sans compas,
Des constellations mesurez chaque pas,
Et qui, sur l’horizon les voyant reparaître,
À chacun des soleils donnez un nom champêtre.
Poésie, art divin, quel fut ton inventeur ?
Qui chanta le premier, si ce n’est un pasteur !
Lequel fit avant tous, artiste qui s’ignore,