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pamphlets de ce genre, répandus par son ordre, pour exciter des émeutes qu’il exploitait ensuite à son profit[1].

Sous le règne de Louis XIV, les pamphlets et les libelles, en forme de Gazettes à la main, reproduisent les intrigues amoureuses de la cour et de la ville et les mille anecdotes scandaleuses du temps, satires violentes, pleines de passion et de fiel, viennent de l’étranger et en particulier de la Hollande, après que Louis XIV a porté ses armes dans ce pays et que les protestants de France ont été obligés d’y chercher un refuge à la suite de la révocation de l’Édit de Nantes.

À ces dangers nouveaux, le pouvoir opposa de nouvelles barrières. On prit les plus grandes précautions pour surveiller la circulation des livres : les conducteurs de coches, les messagers et voituriers par terre et par eau ne purent délivrer aucuns ballots ou paquets de livres sans avoir un billet du syndic des libraires ou de l’un de ses adjoints. Quant aux livres venant des pays étrangers, ils n’entrèrent en France que par les villes de Paris, Rouen, Nantes, Bordeaux, Marseille, Lyon, Strasbourg, Metz, Reims, Amiens, Lille et Calais. Les livres venant de Suisse, de Genève ou d’Italie, et destinés à Paris, entrèrent par le bureau des fermes, établi sur la frontière de Franche-Comté[2].

Les libelles se succèdent cependant comme les accès d'une fièvre intermittente. « Ce sont des critiques amères contre le Gouvernement Louis XIV, dit Leber, des satires personnelles d’une brutalité révoltante, des fictions diffamatoires contre les hommes d’État et Lee du mi : des pamphlets plus attrayants, plus spirituels, mais non moins perfides et mordants ; les farces dialoguées où les personnes du rang le plus à la risée du peuple. »

Les auteurs de pareils pamphlets ne restèrent pas tous impunis. Pour en citer un seul, Chavigny fut enfermé au Mont-Saint-Michel et passa trente années dans une cage de fer : il avait publié en 1669 un dialogue intitulé le Cochon mitré, dirigé contre Le Tellier, archevêque de Reims et frère de Louvois.

Pour détruire les derniers vestiges de l’esprit de la Fronde, Colbert n’avait point hésité à faire condamner à mort les auteurs et les éditeurs de libelles injurieux pour le roi. En 1694, deux hommes

  1. Leber, p. 103 et 106.
  2. Saugrain, Code de la Librairie, p. 287 et suiv.