Page:Aventures merveilleuses de Huon de Bordeaux.djvu/9

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la France pendant quatre siècles, elle a plu à Spenser et à Shakspeare, elle a inspiré Wieland et Weber, et elle est capable de ravir encore l’imagination curieuse des poètes et l’âme naïve des enfants. Je souhaite qu’elle n’ait pas trop perdu de son prestige dans la forme nouvelle où elle se présente aujourd’hui.

Elle n’est pas d’ailleurs la seule qui mérite de plaire dans l’heureuse création du vieux conteur féodal. Par ses charmantes qualités, et même par ses excusables défauts, Huon n’est guère moins attrayant. C’est un type absolument français, avec son courage aventureux, sa loyauté à toute épreuve, sa générosité confiante, et aussi son étourderie, son imprudence, et cette « légèreté de cœur » que lui reproche Auberon et qui cause ses malheurs sans lui enlever notre sympathie. L’empereur Charlemagne, dans sa tyrannie capricieuse, conserve de la grandeur ; le duc Naimes nous gagne le cœur par son inébranlable attachement à la justice ; le vieux Géreaume nous plaît par sa prud’homie, et Esclarmonde, devenue chrétienne, rachète par sa fidélité la brusquerie un peu trop « païenne » de ses débuts en amour. Les figures de second plan, — comme celles du traître Amauri, du brutal et crédule Charlot, du bon abbé de Saint-Denis, du perfide Gérard, du noble Garin de Saint-Omer, du déloyal Eudes, des insolents géants Orgueilleux et Agrapart, du brave Estrument et des autres, — sont toutes marquées d’un trait rapide, mais net, qui leur donne une physio-