Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/109

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chambre une énorme souche embrasée sous la cheminée du salon ; peut-être qu’on n’aura pas mis le garde-feu, et puis la souche roulera sur le parquet, comme il est déjà arrivé une fois. La peur la prend, et comme elle ne commande rien de ce qu’elle peut faire, elle se lève, met ses pieds nus dans ses pantoufles et sort de sa chambre en corset de nuit et en chemise, une petite lampe à la main. Elle descendait l’escalier lorsque M. le Roy, qui veille d’habitude, et qui s’était amusé à lire dans le salon, remontait ; ils s’aperçoivent. Madame d’Aine se sauve, M. le Roy la poursuit, l’atteint, et le voilà qui l’embrasse et elle qui crie : « À moi ! à moi mes gendres ! s’il me fait un enfant, tant pis pour vous. »

Charles-Georges le Roy, un des hôtes les plus marquants du Grand-Val, avait trente-sept ans au moment où nous l’y rencontrons en 1760. Il était lieutenant des chasses royales et administrateur des parcs de Versailles. Les devoirs de sa charge réclamant sa présence au château, il habitait les Loges, non loin du parc. Cette année même, il venait de faire paraître une réfutation de l’ouvrage d’Helvétius, où il relevait sans malveillance et avec beaucoup de sagacité les erreurs contenues dans le livre de l’Esprit. Mais, ce qui plus qu’aucune autre de ses productions lui assure une réputation incontestable d’observateur perspicace et judicieux, et lui donne même une place distinguée parmi les penseurs du dix-huitième siècle, ce sont ses Lettres sur les Animaux.