Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

seurs, les fanatiques, les intolérants n’y gagneront pas. Nous aurons servi l’humanité ; mais il y aura longtemps que nous serons réduits dans une poussière froide et insensible, lorsqu’on nous en saura quelque gré. Pourquoi ne pas louer les gens de bien, de leur vivant, puisqu’ils n’entendent rien sous la tombe ? Voilà le moment de se consoler, en se rappelant la prière du musulman : Ô mon Dieu, pardonne aux méchants, parce que tu n’as rien fait pour eux, puisque tu les as laissé devenir méchants ; les bons n’ont rien de plus à te demander, parce qu’en les faisant bons, tu as tout fait pour eux. »

L’impression de ce grand ouvrage ne devait pas s’effectuer avec la rapidité dont il se flattait. Bien des entraves, bien des chagrins lui restaient encore à supporter. Le plus cuisant vint d’un de ses libraires, de Lebreton. Effrayé de la hardiesse des articles de Diderot, il avait imaginé, pour en adoucir l’effet, de supprimer ou de corriger tout ce qui lui paraissait trop fort. « Mon père, dit madame de Vandeul dans ses Mémoires, pensa en tomber malade : il cria, s’emporta, il voulait abandonner l’ouvrage ; mais le temps, la bêtise, les excuses ridicules de ce libraire qui craignait la Bastille plus que la foudre, parvinrent à le calmer, mais non à le consoler. Jamais je ne l’ai entendu parler froidement à ce sujet ; il était convaincu que le public savait comme lui ce qui manquait à chaque article, et l’impossibilité de réparer ce dommage, lui donnait encore de l’humeur vingt ans après. Il exigea pourtant que l’on tirât un exemplaire pour lui, avec des colonnes