Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/136

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bien entière, était décidé à attendre en France que l’orage fût passé[1].

Indépendamment de la sympathie qu’il éprouvait pour l’impératrice de Russie, un autre motif devait le porter à choisir la cour de Catherine pour résidence, dans le cas où il eût résolu de quitter la France. Un de ses meilleurs amis, le sculpteur Falconet, y résidait depuis la fin de 1765, et c’est le Philosophe lui-même qui l’avait proposé à la souveraine pour exécuter la statue équestre qu’elle voulait ériger à la mémoire de Pierre-le-Grand. Dans la lettre qu’il avait adressée au général Betzky, ministre des arts en Russie, pour lui recommander son ami, il s’exprimait ainsi : « Ce n’est ni la soif de l’or, ni l’ambition d’une plus grande fortune qui déterminent Falconet à s’expatrier. Il méprise l’or, il est âgé, et il a la fortune du sage ; mais il est entraîné par son talent et le désir de s’immortaliser par une grande et belle chose. » Or, Diderot gratifiait son ami des sentiments qu’il sentait en lui-même, et l’idée du juge-

  1. Voltaire cherchait en vain à le convaincre des bonnes intentions du roi de Prusse, et lui-même était disposé à accompagner à Clèves les encyclopédistes. Ses relations avec Diderot étaient des plus affectueuses en ce temps-là. Il écrivait à Damilaville, le 7 novembre 1766 : « Le pauvre Boursier (c’est lui-même) a versé des larmes en lisant la lettre de votre ami (Diderot). Pour lui il a fait son marché ; il est prêt à partir à la première occasion. Il dit qu’il mourra avec le regret de n’avoir point vu l’homme du monde qu’il vénère le plus. » Dans la préface des Scythes, il donnait un témoignage public de son admiration au Philosophe, « qui, à l’exemple d’Aristote, a su joindre aux sciences abstraites l’éloquence, la connaissance du cœur humain et l’intelligence du théâtre. »