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au lieu que l’organe de l’ouie eſt formé de membranes ſèches, dures, & de parties oſſeuſes. Auſſi M. de Mairan, après avoir examiné ces deux organes avec cette fugacité & cette fineſſe de vûe qui caractériſent ſes belles productions, M. de Mairan, dis-je, n’a pas cru qu’on pût faire aucune comparaiſon entre ces deux ſens. (Voyez les Mem. de l’Académie Royale des Sciences de 1737.) D’ailleurs il eſt démontré que la vûe veut du repos pour jouir d’un plaiſir, au lieu que ce n’eſt que dans le mouvement que l’oreille l’éprouve ; ce qui forme une oppoſition bien marquée entre les différentes manieres dont ces organes ſont affectés.

Nous pouvons donc conclure qu’il n’y a aucune raiſon pour que la proportion harmonique ſoit celle qu’on doive ſuivre dans l’Architecture. Il ſemble que les régles, s’il y en a de fixes, dépendent abſolument de l’Optique, c’eſt-à-dire de la maniere dont ſe fait la viſion. Un bâtiment ſera bien proportionné lorſque la vûe en ſaiſira ſans peine toutes les parties, & que les impreſſions ſur cet organe ne ſeront point diffuſes, & formeront, pour ainſi dire, un accord d’impreſſion. Si, par exemple, un édifice eſt trop large relativement à ſa hauteur, il eſt certain que la largeur fera une impreſſion ſur la vue, plus grande que celle qui proviendra de la hauteur. Dès lors on ne fera occupé que de cette largeur, & on ne ſaiſira point du même coup d’œil l’enſemble de l’édifice. Cet organe étant affecté différemment, éprouvera un certain embarras, une certaine diſſonance d’impreſſion, effet d’un objet deſagréable. M. Briſeux paroît entrer dans cette vûe lorſqu’il dit, « qu’il eſt certain que la proportion qu’on remarque entre deux objets étant le réſultat de la comparaiſon que l’on en fait, plus elle eſt aidée à faire, plus l’eſprit s’y délecte ; & par une oppoſition toute naturelle, tous nombres dont les rapports ſont difficiles à découvrir, jettent dans quelqu’embarras, & par conſéquent ne doivent pas être admis dans l’Architecture » (Traité du Beau eſſentiel, p. 39.). Mais quels ſont-ils, ces nombres ? Nous croyons que c’eſt encore une découverte à faire, & nous ne voyons pas que les recherches qu’on a faites ſur la beauté de l’Architecture dans un ouvrage moderne, ayent rien fixé à cet égard. Ce ſont toujours des idées vagues, générales & tout-à-fait arbitraires. (Voyez l’Architecture Françoiſe, tom. I. pag. 60.)

3. La néceſſité, mère de tous les arts, a donné naiſſance à l’Architecture. Vitruve nous a tranſmis la figure des premières habitations, & nous les avons décrites nous-mêmes dans un ouvrage trop analogue à celui-ci, & par la forme & par le fond, pour ne pas y renvoyer le lecteur. (Voyez le Dictionnaire univerſel de Mathématique & de Phyſique, article Architect. Civile.)

Nous laiſſerons là les premiers progrès de cet Art, & nous nous arrêterons à ſon renouvellement, à la naiſſance de l’Architecture proprement dite.

Quoiqu’on attribue aux Egyptiens l’invention des premiers bâtimens ſymmétriques & proportionnés, nous regardons les Grecs comme les premiers Architectes, eux à qui l’on doit les premières proportions de l’Architecture. C’eſt du moins ce qu’on peut inférer des Ordres Dorique, Ionique, & Corinthien, que nous tenons d’eux. Les Romains ajoutèrent à ces Ordres le Toſcan & le compoſite, & cultivèrent l’Architecture avec tant d’ardeur, qu’elle parvint, ſous le règne d’Auguſte, à un aſſez haut degré de perfection. Elle fut négligée ſous Tibere, ſucceſſeur d’Auguſte, languit ſous Néron, & reprit vigueur ſous Trajan. Ce fut ſous ſon regne qu’Apollodore éleva cette fameuſe colonne, qui porte encore aujourd’hui dans Rome le nom de cet Empereur. L’Architecture fut encore protégée par Alexandre Severe. Mais la chûte de l’Empire d’Orient la plongea dans l’oubli dont elle ne put ſe relever qu’au bout de pluſieurs ſiécles. Pendant ces tems barbares, les Viſigots détruiſirent les plus beaux monumens de l’antiquité, & pour comble de calamité, le petit nombre de ceux qui la profeſſoient, négligerent abſolument toutes les régles dans la conſtruction des édifices. Cette nouvelle maniere de bâtir fut appelée Architecture Gothique. Elle ſubſiſta juſques à Charle-