Page:Béland-Mathieu - Mes quatres années de captivité en Belgique, La Canadienne, Janvier 1920.djvu/2

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J’AI constaté, depuis mon retour au pays, après une absence de quatre années, que tant de choses ont été écrites sur les événements de Belgique pendant l’occupation allemande, que je me demande si ce que je puis raconter offrira encore quelque intérêt.

Et puis, je n’ai, en somme, à offrir aux lectrices de La Canadienne que certains incidents pris au hasard de mes souvenirs personnels — mais quels souvenirs, et quelle époque terrible ! — dans le petit milieu où j’ai vécu pendant la grande catastrophe qui a bouleversé le monde.

Je désire, toutefois, déclarer, dès le début de mon récit, qu’ayant habité tout le temps de la guerre un château dans la ligne de feu, je n’ai jamais eu à me plaindre d’attentats soit à mon honneur, soit à ma dignité. Notre maison était sous la protection d’une famille très influente qui a accordé en toute occasion la plus courtoise hospitalité aux officiers et soldats allemands, qui en ont bien usé en vainqueurs, mais avec correction.

Cappellen, où j’habitais, est un village situé entre la ville d’Anvers et la frontière hollandaise, exactement à six milles au nord de la puissante forteresse qui a fait l’objet des convoitises des Allemands durant les deux premiers mois de la guerre, en 1914, et qui est en définitive tombé, après une résistance héroïque, le 9 octobre de cette année-là. Des événements qui ont immédiatement précédé la chute d’Anvers, je n’ai que peu de connaissance personnelle, vu que, durant ces deux semaines de l’agonie de la grande forteresse, il ne nous était pas permis, à nous, femmes et jeunes filles, de nous approcher de la ligne de bataille. Mon père quittait la maison chaque matin pour l’hôpital à Anvers, et rentrait dans le cours de la soirée pour se voir immédiatement entouré de la famille, en quête que nous étions toutes de renseignements sur les événements tragiques qui se déroulaient. Mon père a déjà raconté ailleurs dans le détail tous les incidents de sa captivité en Allemagne.