Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 1.pdf/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

premier recueil, je n’avais pas encore osé faire prendre à la chanson un vol plus élevé ; ses ailes poussaient. Il me fut plus facile de livrer au ridicule les Français qui ne rougissaient pas d’appeler de leurs vœux impies le triomphe et le retour des armées étrangères. J’avais répandu des larmes à leur première entrée à Paris ; j’en versai à la seconde : il est peut-être des gens qui s’habituent à de pareils spectacles.

J’eus alors la conviction profonde que les Bourbons, fussent-ils tels que l’osaient encore dire leurs partisans, il n’y avait plus pour eux possibilité de gouverner la France, ni pour la France possibilité de leur faire adopter les principes libéraux, qui, depuis 1814, avaient reconquis tout ce que leur avaient fait perdre la terreur, l’anarchie directoriale et la gloire de l’empire. Cette conviction, qui ne m’a plus abandonné, je la devais moins d’abord aux calculs de ma raison qu’à l’instinct du peuple. À chaque événement je l’ai étudié avec un soin religieux, et j’ai presque toujours attendu que ses sentiments me parussent en rapport avec mes réflexions pour en faire ma règle de conduite, dans le rôle que l’opposition d’alors m’avait donné à remplir. Le peuple, c’est ma muse.

C’est cette muse qui me fit résister aux prétendus sages, dont les conseils, fondés sur des espérances chimériques, me poursuivirent maintes fois. Les deux publications qui m’ont valu des condamna-