Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 1.pdf/11

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tions judiciaires, m’exposèrent à me voir abandonné de beaucoup de mes amis politiques[1]. J’en courus le risque. L’approbation des masses me resta fidèle, et les amis revinrent.

Je tiens à ce qu’on sache bien qu’à aucune époque de ma vie de chansonnier, je ne donnai droit à personne de me dire : Fais ou ne fais pas ceci ; va ou ne va pas jusque-là. Quand je sacrifiai le modique emploi que je ne devais qu’à M. Arnault, et qui était alors ma seule ressource, des hommes pour qui j’ai conservé une reconnaissance profonde, me firent des offres avantageuses que j’eusse pu accepter sans rougir ; mais ils avaient une position politique trop influente pour qu’elle ne m’eût pas gêné quelquefois. Mon humeur indépendante résista aux séductions de l’amitié. Aussi étais-je surpris et affligé lorsqu’on me disait le pensionné de tel ou tel, de Pierre ou de Paul, de Jacques ou de Philippe. Si cela eût été, je n’en aurais pas fait mystère. C’est parce que je sais quel pouvoir la reconnaissance exerce sur moi, que j’ai craint de contracter de semblables obligations,

  1. Par un rapprochement singulier, dont je m’honore, ces deux condamnations me réunirent en prison à M. Cauchois-Lemaire, ex-proscrit, écrivain encore plus intempestif que moi, c’est-à-dire plus courageux et par conséquent aussi plus abandonné des uns et plus maltraité des autres.