Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 1.pdf/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

descendre. J’aurais donc pu avoir part à la distribution des emplois. Malheureusement je n’ai pas l’amour des sinécures, et tout travail obligé m’est devenu insupportable, hors peut-être encore celui d’expéditionnaire. Des médisants ont prétendu que je faisais de la vertu. Fi donc ! je faisais de la paresse. Ce défaut m’a tenu lieu de bien des qualités ; aussi je le recommande à beaucoup de nos honnêtes gens. Il expose pourtant à de singuliers reproches. C’est à cette paresse si douce, que des censeurs rigides ont attribué l’éloignement où je me suis tenu de ceux de mes honorables amis qui ont eu le malheur d’arriver au pouvoir. Faisant trop d’honneur à ce qu’ils veulent bien appeler ma bonne tête, et oubliant trop combien il y a loin du simple bon sens à la science des grandes affaires, ces censeurs prétendent que mes conseils eussent éclairé plus d’un ministre. À les en croire, tapi derrière le fauteuil de velours de nos hommes d’état, j’aurais conjuré les vents, dissipé les orages, et fait nager la France dans un océan de délices. Nous aurions tous de la liberté à revendre ou plutôt à donner, car nous n’en savons pas bien encore le prix. Eh ! messieurs mes deux ou trois amis, qui prenez un chansonnier pour un magicien, on ne vous a donc pas dit que le pouvoir est une cloche qui empêche ceux qui la mettent en branle d’entendre aucun autre son ? Sans doute des ministres consultent quelquefois ceux qu’ils ont sous la main : consulter