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de ce mouvement de vanité politique, produit sans doute par les flatteries qu’une jeunesse enthousiaste m’a prodiguées et me prodigue encore. Prévoyant que bientôt l’oubli enveloppera les chansons et le chansonnier, c’est une épitaphe que j’ai voulu préparer pour notre tombe commune.

Malgré tout ce que l’amitié a pu faire, malgré les plus illustres suffrages et l’indulgence des interprètes de l’opinion publique, j’ai toujours pensé que mon nom ne me survivrait pas, et que ma réputation déclinerait d’autant plus vite qu’elle a été nécessairement fort exagérée par l’intérêt de parti qui s’y est attaché. On a jugé de sa durée par son étendue ; j’ai fait, moi, un calcul différent qui se réalisera de mon vivant, pour peu que je vieillisse. À quoi bon nous révéler cela ? diront quelques aveugles. Pour que mon pays me sache gré, surtout, de m’être livré au genre de poésie que j’ai jugé le plus utile à la cause de la liberté, lorsque je pouvais tenter des succès plus solides dans les genres que j’avais cultivés d’abord.

Sur le point de faire ici un examen consciencieux de ces productions fugitives, le courage m’a manqué, je l’avoue. J’ai craint qu’on ne me prît au mot lorsque je relèverais des fautes, et qu’on ne fît la sourde oreille aux cajoleries paternelles que je pourrais adresser à mes chansons ; car encore faut-il bien que tout n’en soit pas mauvais. Puis, malgré la politesse des critiques à mon égard, ce serait peut-