Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 1.pdf/39

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qu’en vous parlant de cette riante époque de ma vie, où, sans appui, sans pain assuré, sans instruction, je me rêvais un avenir sans négliger les plaisirs du présent, mes yeux se mouillent de larmes involontaires. Oh ! que la jeunesse est une belle chose, puisqu’elle peut répandre du charme jusque sur la vieillesse, cet âge si déshérité, si pauvre ! Employez bien ce qui vous en reste, ma chère amie. Aimez, et laissez-vous aimer. J’ai bien connu ce bonheur ; c’est le plus grand de la vie. »

Cette époque de lutte continue contre la pauvreté et contre ses obstacles pour l’avenir, plus grands que ses atteintes au temps présent, fut néanmoins suivie d’une espèce de découragement, dont un bienfait, digne et inespéré, vint heureusement tirer le poëte. Le frère du Premier Consul, M. Lucien Bonaparte, l’accueillit avec intérêt et lui accorda une généreuse protection : Béranger, dans la dédicace de ses dernières chansons, nous racontera lui-même ce grand événement de sa jeunesse.

Dans cet âge si plein de vie, que le présent, quelque rempli qu’il soit, ne suffit pas à l’ardeur de l’imagination, à la satisfaction de la pensée ; dans cet âge où l’avenir est un besoin, ce qui, après l’amour, préoccupait le plus Béranger, c’était la gloire littéraire. Le patriotisme de son adolescence ne l’avait pas abandonné ; mais ses sentiments ne se tournaient qu’avec réserve vers l’homme de génie qui touchait déjà à l’Empire. C’est un rapprochement curieux à faire, parmi tant d’autres, entre Paul-Louis Courier et Béranger, que ce peu de goût pour les jeux désastreux du conquérant.

L’influence des ouvrages de M. de Chateaubriand sur