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le jeune Béranger fut prompte et vive. Son admiration est restée fidèle à ce beau génie, dont les inspirations religieuses firent revivre en lui quelques-uns des germes que sa bonne tante de Péronne y avait semés : l’auteur du Génie du Christianisme fit connaître à Béranger les grandeurs simples et sévères du goût antique, les beautés de la Bible et d’Homère, lorsque dans l’âge des rêves épiques, attendant l’heure d’aborder son Clovis, le chantre futur des Clefs du Paradis et du Concordat de 1817 traitait en dithyrambe le Déluge, le Jugement dernier, le Rétablissement du culte. Quarante vers alexandrins, intitulés Méditation, qu’il composa en 1802, sont empreints d’une haute gravité religieuse : Béranger cherchait alors à faire contraste avec la manière factice de Delille dans son poème de la Pitié. Nous allons citer ces vers, qui sont imprimés dans quelques anciens almanachs.


Nos grandeurs, nos revers ne sont point notre ouvrage,
Dieu seul mène à son gré notre aveugle courage.
Sans honte succombez, triomphez sans orgueil,
Vous mortels qu’il plaça sur un pompeux écueil.
Des hommes étaient nés pour le trône du monde,
Huit siècles l’assuraient à leur race féconde :
Dieu dit ; soudain, aux yeux de cent peuples surpris
Et ce trône et ces rois confondent leurs débris.
Les uns sont égorgés ; les autres en partage
Portent, au lieu de sceptre, un bâton de voyage,
Exilés, et contraints, sous le poids des rebuts,
D’errer dans l’univers, qui ne les connaît plus.
Spectateur ignoré de ce désastre immense,
Un homme enfin, sortant de l’ombre et de l’enfance,
Paraît. Toute la terre, à ses coups éclatants,
Croit dès le premier jour l’avoir connu longtemps.