Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 2.pdf/213

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« Pieds nus, sans pain, sourds aux lâches alarmes,
« Tous à la gloire allaient du même pas.
« Le Rhin lui seul peut retremper nos armes.
« Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas !

« De quel éclat brillaient dans la bataille
« Ces habits bleus par la Victoire usés !
« La Liberté mêlait à la mitraille
« Des fers rompus et des sceptres brisés.
« Les nations, reines par nos conquêtes,
« Ceignaient de fleurs le front de nos soldats.
« Heureux celui qui mourut dans ces fêtes !
« Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas !

« Tant de vertu trop tôt fut obscurcie.
« Pour s’anoblir nos chefs sortent des rangs ;
« Par la cartouche encor toute noircie
« Leur bouche est prête à flatter les tyrans.
« La Liberté déserte avec ses armes ;
« D’un trône à l’autre ils vont offrir leurs bras ;
« À notre gloire on mesure nos larmes.
« Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas ! »

Sa fille alors, interrompant sa plainte,
Tout en filant lui chante à demi-voix
Ces airs proscrits qui, les frappant de crainte,
Ont en sursaut réveillé tous les rois.
« Peuple, à ton tour que ces chants te réveillent :
« Il en est temps ! » dit-il aussi tout bas.
Puis il répète à ses fils qui sommeillent :
« Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas ! »