Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 2.pdf/222

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                        le voyageur.
Quand j’invoquai dans la tempête
Ce Dieu qu’on dit si consolant,
Les poignards levés sur ma tête
Portaient gravé son nom sanglant.
                        le vieillard.
Te voici dans mon ermitage ;
Versons-nous d’un vin généreux.
Hélas ! mon fils aurait ton âge.
Dieu t’offre un ami ; sois heureux.

                        le voyageur.
Non, il n’est point d’Être suprême
Qui seul peuple l’immensité,
Et cet univers n’est lui-même
Qu’une grande inutilité.
                        le vieillard.
Vois ma fille, à qui ta détresse
Arrache un soupir douloureux ;
Elle a consolé ma vieillesse.
Dieu t’offre un ami ; sois heureux.

                        le voyageur.
Dans cette nuit profonde et triste
Ce Dieu vient-il guider nos pas ?
Eh ! qu’importe enfin qu’il existe,
Si pour lui nous n’existons pas ?
                        le vieillard.
Voici ta couche et ta demeure :
Chasse tes rêves ténébreux.
Tiens-moi lieu du fils que je pleure.
Dieu t’offre un ami ; sois heureux.