Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 2.pdf/265

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Utile au pauvre, au riche sachant plaire,
Pour nourrir l’un chez l’autre je quêtais.
J’ai fait du bien, puisque j’en ai fait faire.
        — Ah ! mon âme, je m’en doutais,
        Je m’en doutais, je m’en doutais.

Puis j’animai la beauté d’une fille.
Que j’étais bien dans ma douce prison !
Mais de mon gîte on s’empare, on le pille ;
Tous les Amours y mettent garnison.
En vrais soudards ils y faisaient esclandre ;
Et jour et nuit, du coin que j’habitais,
À la maison je voyais le feu prendre.
        — Ah ! mon âme, je m’en doutais,
        Je m’en doutais, je m’en doutais.

Sur tes penchants que mon récit t’éclaire ;
Mais, dit mon âme, apprends aussi de moi
Qu’au ciel un jour ayant osé déplaire,
Pour m’en punir, Dieu m’enferma chez toi.
Veilles, travaux, artifices de femme,
Pleurs, désespoir, et des maux que je tais,
Font qu’un poëte est l’enfer pour une âme.
        — Ah ! mon âme, je m’en doutais,
        Je m’en doutais, je m’en doutais.