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CINQUANTE ANS



Pourquoi ces fleurs ? est-ce ma fête ?
Non ; ce bouquet vient m’annoncer
Qu’un demi-siècle sur ma tête
Achève aujourd’hui de passer.
Oh ! combien nos jours sont rapides !
Oh ! combien j’ai perdu d’instants !
Oh ! combien je me sens de rides !
Hélas ! hélas ! j’ai cinquante ans.

À cet âge, tout nous échappe ;
Le fruit meurt sur l’arbre jauni.
Mais à ma porte quelqu’un frappe ;
N’ouvrons point : mon rôle est fini.
C’est, je gage, un docteur qui jette
Sa carte où s’est logé le temps.
Jadis, j’aurais dit : c’est Lisette.
Hélas ! hélas ! j’ai cinquante ans.

En maux cuisants vieillesse abonde :
C’est la goutte qui nous meurtrit ;
La cécité, prison profonde ;
La surdité dont chacun rit.
Puis la raison, lampe qui baisse,
N’a plus que des feux tremblotants.