Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/221

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je réduis pour vous la question à ce seul point : Quel est celui d’entre vous qui, s’il n’a point fait de chansons, n’en ait pas du moins entendu de pareilles, sans y croire sa pudeur intéressée ?

« Je m’estime heureux, au surplus, de ce que, le ministère public ayant cru lui-même devoir déserter cette partie de l’accusation, je suis dispensé d’y insister plus longtemps.

« Je terminerai seulement par une réflexion : la cour a rejeté le moyen de prescription ; mais, si le point de droit m’a été enlevé par l’arrêt, le fait me reste ; et dans une accusation où vous êtes, avant tout, appelés à apprécier l’intention ; dans un procès où vous avez à juger une édition nouvelle, vous n’oublierez pas que le silence du ministère public, si vigilant de son naturel, surtout dans ce qui a rapport à la presse, a dû être pris pour une approbation ; et vous vous demanderez si cet acquiescement de l’autorité n’était pas de nature à persuader à l’auteur que ce qui n’était pas punissable en 1815 ne devait pas, à plus forte raison, l’être en 1821, quand des mesures rigoureuses ont déjà disparu de notre législation.

« J’aborde le second chef d’accusation : il est plus grave encore que le premier. Si l’on en croit l’accusation, M. Béranger aurait outragé Dieu lui-même !

« C’est une étrange manie que celle des hommes qui prétendent se constituer les vengeurs de la Divinité !

« Les anciens, qui n’avaient pas le bonheur de connaître le vrai Dieu, avaient, dans leur philosophie mondaine, une maxime plus sage, à mon avis : ils pensaient qu’il faut laisser aux dieux le soin de se venger eux-mêmes : Deorum injurias Diis curæ esse.