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L’OR


À PROPOS DE LA DÉPRÉCIATION DE CE MÉTAL


Air : Dodo, l’enfant do, etc.


Siècle qui cours sur des débris,
Toi qui des rois creuses l’abîme,
Siècle qui prends tout à mépris,
Quoi ! l’or tombe aussi ta victime !
Chaque heure en abaisse le taux :
C’en est fait du roi des métaux.

        L’or, l’or est pour rien ;
Vous en aurez, hommes de bien.

bis.


Du désert aux Russes fatal,[1]
Surtout de la Californie,
Déborde à grands flots ce métal
Sur le vieux monde à l’agonie.
Un tel déluge met, hélas !
À l’aumône tous nos Midas,
L’or, l’or est pour rien ;
Vous en aurez, hommes de bien.

Que d’avares se sont pendus !
Que d’orfèvres meurent de crainte !
Vite aux lingots qu’elle a fondus
La Monnaie en vain met l’empreinte.
On verra, si nous en créons,
À deux sous les napoléons.
L’or, l’or est pour rien ;
Vous en aurez, hommes de bien.

Philosophe, à tort tu prétends
Qu’il a mérité sa débâcle.
Si son culte a de temps en temps
Mis sots et fripons au pinacle,
L’or nous a fait plus d’un baron ;
Même on lui doit monsieur V.....
L’or, l’or est pour rien ;
Vous en aurez, hommes de bien.

Mais sous le règne des gros sous
Croit-on qu’un romancier travaille ?
Chastes beautés, souffrirez-vous
Que l’amour s’escompte en mitraille ?
Quels avocats[2], sans voir de l’or,
Pourront calomnier encor ?
L’or, l’or est pour rien ;
Vous en aurez, hommes de bien.

En attendant les assignats,
Chiffonniers, que d’or dans vos hottes !
Tous nos ministres auvergnats

  1. La Sibérie, où sont les monts Ourals, riches en or, et où le czar envoie ses sujets en exil. — Il n’est pas nécessaire de parler des merveilles de la Californie.
  2. L’auteur ne parle ici que de certains avocats qui font habituellement commerce de calomnies.