Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/130

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quelques souvenirs de nos chansons de geste, H. Salel et Peletier du Mans essayèrent de notre vers de dix pieds pour traduire Homère :

Ne pense plus ravoir

Ta Chryséis, car je la veux avoir
En ma maison de ton pays lointaine,
Faisant mon lit et là filant ma laine,
Jusques à tant que sa beauté faillie
Sera un jour par vieillesse assaillie.

Ronsard employa ce vers de dix pieds en sa Franciade[1], sur l’ordre de son roi, qui voyait encore en lui notre vers héroïque. Mais le continuateur de Salel, Amadis Jamyn, adopta l’alexandrin sur le conseil même de Ronsard qui, dans la Préface, recommanda ce « long vers », ce « carme héroïque » aux traducteurs

  1. On connaît la Préface de Ronsard au Lecteur apprentif touchant le Poème héroïque : « Il ne faut t’esmerveiller, Lecteur, de quoy je n’ay composé ma Franciade en vers alexandrins, qu’autrefois en ma jeunesse, par ignorance, je pensois tenir en nostre langue le rang des carmes héroïques ; encores qu’ils respondent plus aux senaires des tragiques qu’aux magnanimes vers d’Homère ou de Virgile, en les estimant pour lors plus convenables aux magnifiques arguments et aux plus excellentes conceptions de l’esprit que les autres vers communs ; depuis, j’ai vu, cognu, pratiqué par longue expérience que je m’estois abusé, car ils sentent trop la prose très facile et sont énervez et flasques, si ce n’est pour les traductions, ausquelles, à cause de leur longueur, ils servent beaucoup ».