Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/157

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Pour les Anciens, mais pour les Modernes surtout, il est une particularité du langage homérique, qui peut sembler des plus contraires à la simplicité et à la précision du style, à la netteté de la phrase, à l’intelligence même du texte : à première lecture, le Poète semble abuser des épithètes que nous appelons poétiques, et nos traducteurs ont dressé le public à reconnaître une marque d’origine en ces adjectifs de majesté dont l’épos, — nous dit-on, — avait un insatiable besoin.

Chaque siècle et même chaque génération a sa façon d’utiliser les divers éléments du langage : il est des temps, des années, des saisons où l’adjectif « se porte », plutôt que l’adverbe et le substantif ; il en est d’autres où le style télégraphique réserve toutes ses places pour le substantif et le verbe. Le français du xviie siècle avait su garder à chaque espèce de mots son rôle propre : il se servait de tous et de chacun en sa place. Le français du xxe fait du substantif et du verbe un usage immodéré et il donne à l’adverbe un rôle aussi grand, plus grand même qu’à l’adjectif. Dans le langage de l’épos, l’épithète est souveraine : non seulement, elle remplace l’adverbe qui n’est le plus souvent