Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/183

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rustre charge volontiers ses vêtements de fête et ses femmes.

Et cette même urbanité se traduit encore par la modération dans la sagesse et le conseil. Le Poète ne serait pas grec, s’il ne mêlait pas aux récits des aventures et des hauts faits, à la louange ou au blâme des héros d’autrefois, un souci permanent d’utilité morale, une philosophie actuelle et éternelle, voire une instruction scientifique, civique et religieuse. Les Sirènes elles-mêmes ne se contentent pas d’ensorceler quiconque les entend ; elles promettent aux passants des leçons de science et de morale :

Viens ici ! viens à nous ! Ulysse tant vanté ! l’honneur de l’Achaïe !… Arrête ton croiseur, viens écouter nos voix ! Jamais un noir vaisseau n’a doublé notre cap, sans ouïr les doux airs qui sortent de nos lèvres ; puis on s’en va content et plus riche en savoir, car nous savons les maux, tous les maux que les dieux, dans les champs de Troade, ont infligés aux gens et d’Argos et de Troie, et nous savons aussi tout ce que voit passer la terre nourricière.

Le récit des maux infligés par les dieux comporte une leçon de sagesse. En ce monde, le sort des humains est de souffrir, de peiner, de connaître la douleur et la mort ; mais au début du chant I, Zeus lui-même nous dit que l’homme, par ses folies, aggrave « la charge des malheurs assignés par le sort », et quand