Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/22

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Roméo et Juliette ou le Roi Lear par la voix de l’acteur, combien de millions de lecteurs ne doivent qu’à leurs yeux d’avoir vécu parfois dans la compagnie des héros shakespeariens !

Il en fut tout pareillement d’Homère et des héros homériques dans le monde gréco-romain. Les lecteurs, par centaines de milliers, reçurent d’Alexandrie ou de Pergame l’Homère destiné aux yeux solitaires, en lieu et place de l’Homère de « récital » (comme on dit outre-Manche), qu’avaient encore connu et édité les Athéniens du ve siècle, et de l’Homère de scène qu’avaient produit et longtemps représenté les Ioniens des viiie-vie.

Car il est trois périodes de la transmission homérique, dont il faut toujours avoir les dates présentes à l’esprit : avant d’être un auteur de classe et un livre de lecture, que se transmirent pour l’étudier et l’admirer les soixante-dix générations de l’humanité gréco-romaine, byzantine et moderne (200 avant J.-C. — 1900 après notre ère), avant d’être la collection de récitatifs et le manuel d’instruction et d’éducation, édité et commenté par les dix générations de la société hellénique et hellénistique (550-200 avant J.-C.), Homère fut pour les huit ou neuf générations de la première antiquité grecque (850-550 avant J.-C.) un auteur de