Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/60

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du premier. Le rhapsode avait à produire sur tous les sens autant que sur l’esprit de la foule une impression brutale, de plein air. C’est un « charme », — dit l’Odyssée (XI, vers 334), — qui coulait des lèvres de l’aède dans l’oreille et le cœur de quelques privilégiés.

Cependant, sans avoir du rhapsode la jactance ni l’apparat, l’aède devait en avoir un certain métier ; car ils étaient obligés, l’un et l’autre, de parler aux yeux de l’auditoire et, dans le texte même des Poésies, la place du geste est marquée, facile à reconnaître, importante et fréquente.

Tout au long de ce texte, il est des mots, des tirades entières, qui n’ont jamais pu être prononcées par l’auteur ou par ses interprètes, sans le commentaire de la main, des yeux et du visage. L’Iliade au chant III et l’Odyssée au chant XIII nous fournissent, chacune, un exemple probant, — la scène entre Hélène et Priam sur les Portes Scées, et la scène entre Athéna et Ulysse devant la rade d’Ithaque :

— Ma fille, viens ici t’asseoir auprès de moi, dit Priam à Hélène : dis-moi quel est le nom de ce guerrier géant...

et Priam doit montrer du doigt, dans les rangs achéens, un guerrier qui domine la foule.

— Celui-là, dit Hélène, celui-là, c’est l’Atride, le grand Agamemnon.