Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/92

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tards » ou « superflus »[1] une trentaine de vers au moins.

C’est sur ce modèle que j’imagine le chant de Démodocos : il devait durer une heure et demie environ, et l’on pourrait aisément trouver, dans notre texte de l’Iliade, les pauses qui permettaient au chanteur de reprendre haleine et au public, de ne plus se taire pendant quelques instants.

La séance se répète le même jour chez Alkinoos, en un second festin :

Comme on tranchait les parts et qu’on mêlait le vin, le héraut reparut, menant le brave aède Démodocos, que tout ce peuple révérait ; il s’en vint l’installer au centre du festin, le fauteuil adossé à la haute colonne. Ulysse l’avisé appela le héraut, puis, taillant au filet d’un porc aux blanches dents un morceau que bardait une abondante graisse :

Ulysse. — Héraut, prends cette part et la porte à l’aède ! qu’il mange ! et dis-lui bien que, malgré mon chagrin, je veux le saluer ! Il n’est homme ici-bas qui ne doive aux aèdes l’estime et le respect : car n’apprennent-ils pas de la Muse leurs pièces ? la Muse qui chérit la race des chanteurs !

Il dit : prenant la viande en ses mains, le héraut s’en fut l’offrir à son seigneur Démodocos.

  1. J’expliquerai par la suite ces deux termes : les vers « bâtards » sont ouvrage de faussaire ; les vers superflus sont des vers authentiquement homériques, mais inutilement répétés.