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cnles matérielles ; ces particules sont étendues, et S, par conséquent, divisibles. La divisibilité à. l’iniini ne pouvant pas être prouvée par l’expérience, dira-t-on qu’elle n’est pas admissible ? Si la ïlivisibilité rencontre une limite, ce que rien ne prouve, il en résultera de deux choses l’une z ou toutes les molécules matérielles pensent, alors que devient l’unité révélée par la conscience, que devient la conscience elle-meme’Z Il faut nier -l’une et l’autre ; ou bien aucune molécule ne pense, et comme la pensée est évidente, il. faut que l’être pensant ne soit pas matériel. Le cerveau, et c’est lui qu’il faut prendreà partie de préférence, le cerveau n’a pas l’unité voulue, il n’a pas non plus l’identité. Il est reconnu que nos organes se renouvellent, et qu’au bout d’un certain nombre d’années ils sont pétris d’une substance nouvelle ; d’autres molécules ont remplacé les anciennes. Au milieu de ce flux continuel, il est impossible d’expliquer la persistance de la pensée, ni de cet être qui dit toujours je en parlant de lui, et qui dit mon corps en parlant d’un objet qui est à lui et n’est pas lui. Reste l’activité : mais dans aucune espèce d’ctres sur la terre, autre que l’homme, on ne la trouve avec le caractère qui constitue la personnalité humaine et qui fait de l’homme un être moral ; cette assertion n’a pas besoin de preuve. Ainsi, d’une part, on trouve dans le moi trois attributs essentiels : l’unité, l’identité et l’activité (surtout la volonté) ; d*autre part, ces attributs sont incompatibles avec ce qui est matériel. Donc, il faut conclure forcément qu’il y a dans l’homme une substance différente de la matière : cette substance, c’est l’âme. V. Srnu’ruAr.rrri, et Gratry, I)e*la connaissance de Páme, in-8° ; Bouillier, De Punzté de l’áme pensante, et du principe vital, 1858, in-SP. R. Rapports de Váma avec le corps. Étant donnée la notion de la double nature de 1’homme et des deux substances dont elle se compose, une question se présente : Quels sont les rapports de ces deux substances ? En quoi consiste l’union de l’âme et du corps. et leur réciproque influence ? Le matérialisme, qui nie l’existence de l’àme, au moins en tant que principe distinct, se met a cet égard fort a l’aise. Lame, disent les Epicuriens, est une partie de Panimal, comme le pied, la main et l’œil. Formée d’atomes comme tout le reste, c’est au mouvement des atomes qu’elle doit ses sensations. Consultez, a plus de vingt siècles de distance, les adeptes du matérialisme moderne. Ils vous apprendront, avec Cabanis, que u les u deux grandes modifications de l’existence humaine se u touchent et se confondent par une foule de points cont respondants, et que les opérations désignées sous le nom de morales, résultent directement, comme celles qu’on appelle physiques, de l’action’soit’de certains organes particuliers, soit de l’ensemble du système u vivant. i› Ils vous diront, avec Broussais, en.termes tout autrement décidés et explicites, .que u toutes les u facultés de l’homme sont attachées à son encéphale ; que l’intelligence n’est pas une chose indépendante du <4 corps ; qu’elle tient à un cerveau vivant dans certaines conditions », et que la véritable science de l’homme doit tendre à u rallier les phénomènes instinctifs et inll tellectuels à l’excitation du système nerveux. » Au même ordre d’idées appartient la doctrine phrénologique, qui localise dans certaines régions du cerveau les facultés, principes des opérations morales. Selon Gall, inventeur de la phrénologie, le cerveau est l’organe de tous les penchants, de tous les sentiments, de toutes les facultés, etil est composé d’autant d’organes particuliers qu’il y a de facultés essentiellement différentes les unes des autres. Le développement des facultés correspond exactement au développement des organes ; on peut, à la simple inspection du crane, qui reproduit les contours du cerveau, reconnaître les dispositions morales de l’individu. C’est en vertu de ces principes que Gall, et son disciple et continuateur Spurzheim, ont partagé le cerveau en plusieurs régions, et désigné en chacune d’elles la place des organes propres aux différentes facultés. Les dernières recherches de l’anatomie et de la physiologie n’ont point confirmé cette, théorie, déjà vivement attaquée par la philosophie spiritualiste. Sans aborder ici l’examen de la phrénologie (V. ce mot), disons, en thèse générale, que rien n’est plus commode, il est vrai, que ces sortes d’assimilations ; mais ce n’est pas la résoudre une question, c’est la supprimer, en ne tenant aucun compte de faits réels et reconnus par le sens commun. Il faut. en dire autant le la doctrine diamétralement opposée, du spiritualisme exclusif principalement représenté dans l’histoire de la philosophie par l’An|mlsme de Stahl (V. Anniusna), qui fait de l’Ame le principe de tous les phénomènes vitaux. ’I’rès-certainement les choses ne se passent point avec cette simplicité : aussi voit-on tous les auteurs, philosophes ou physiologistes, qui ont accepté franchement les données fondamentales du problème (existence de deux substances différentes, l’une étendue et matérielle, l’autre spirituelle et pensante), témoigner des difficultés qu’il présente, les plus sages en avouant leur impuissance, les autres en recourant a diverses hypothèses. Celles des Anciens sont au fond extrêmement vagues. Platon, dans le Tzmée, nous montre les Dieux in recevant de leur Père le u principe de l’ame humaine, façonnant ensuite le corps <1 mortel qu’ils donnèrent à l’àme comme un char, et dans lequel ils placèrent une autre espèce d’ame, ame mortelle, siège d’afl’ections violentes et fatales... Ils placèrent u celle-ci dans la poitrine, d’ou elle dirige les mouvements des organes corporels, et où elle en subit à son tour le contre-coup. » Quanta l’âme divine, «elle habite le lieu le plus élevé de notre corps, parce qu’elle nous élève de u la terre vers le ciel, notre patrie. À N’est-ce pas le cas de reproduire le reproche qu’Aristote, å propos de la théorie des idées, adressait A Platon ? Expliquer ainsi les rapports de l’âme et du corps, u c’est se payer de mots vides de senset faire des métaphores poétiques. »(1lIét. XIII, 5.) Mais Aristote, à son tour, mérite le même reproche, lorsqu’il se résume sur ce sujet en représentant l’àme logée dans le corps comme le marin dans le vaisseau (De l’Ame, II, 1, 13). u ll ne suffit pas, dit Descartes, que l’ame soit u logée dans le corps humain, ainsi qu’un pilote en son navire, sinon pour mouvoir ses membres ; mais il est besoin qu’elle soit jointe et unie plus étroitement avec u lui. » (Disc. de la Méthode, 5° partie.) C’est cette union incompréhensible de deux substances absolument difl’érentes, manifestée par l’action réciproque du corps sur l’ame (sensations, perceptions) et do l’ame sur le corps (mouvements volontaires), qui a continué, après Platon et Aristote, de donner lieu à des hypothèses dont celle qui est due à Descartes lui-même n’est pas la moins fameuse. Si la science de l’homme physique était parvenue à découvrir et à faire connaître le principe (unique ou multiple, peu importe) de la vie organique, sans doute la question changerait de face. Au. lieu de demander comment l’ame agit sur le corps, il faudrait demander comment l’àme agit sur cette force vitale, celle-ci sur les organes et vice versa. En fait et dans l’éat où nos connaissances, malgré les efforts de quelques physiologistes, sont restées sur ce point, on ne s’est guère occupé’que de trouver, ou plutôt d’imaginer, entre l’ame et le corps, un Médiateur tenant à la fois de la nature des deux substances. ’l’el f ut le caractère équivoque attribué aux ldéesimages des lšépicuriens, aux espèces sensibles du péripatétisme et de la scolastique (V. lunes, Esrizcizs). Tel -fut aussi le Médiateur plastique de Cudworth, principe intermédiaire entre Dieu et la matière dans le monde., entre l’ùme et le corps dans l’homme ; spirituel, mais privé de liberté, de sensibilité et d’intelligence. Tels furent les esprits animaua : de Descartes, sorte de fluide subtil répandu par tout le corps, et que les impressions venues du dehors font aflluer vers une glande du cerveau (glande pinéale) à laquelle l’âme est plus immédiatement présente : les mouvements de la glande ébranlée par les esprits donnent naissance aux pensées de l’àme ; la glande à son tour, sous l’influence des pensées nées dans l’àme, renvoie les esprits dans les différents organes ; et ainsi s’exécutent les mouvements, volontaires ou instinctifs, qui dénotent l’action de l’âme sur le corps. Mais quand l’existence des esprits animaux serait aussi prouvée qu’elle est hypothétique, Descartes, en définitive, laisserait inexpliqué ce qui fait le fond même de la question : comment l’agent physique opère-t-il sur Pagent moral, et réciproquement ? Au reste, il faut dire que la médiation des esprits, dans ce système, n’est qu’apparente, et que le véritable médiateur, c’est Dieu, dont la volonté fait des mouvements la cause occasionnelle des pensées, et de celles-ci la cause des mouvements (V. Causes occnsiounactes). C’est le même principe, diversement modifié, qui fait le fond de la doctrine de Malebranche et de Leibniz (V..Vision au Dien. et Hinnonxc rniãirrxnun). Nulle Ecole, d’ailleurs., n’était plus condamnée aux hypothèses sur ce point, que le Curtésianisme, qui séparait complètement les deux substances, commençant par déclarer qu’il est impossible de concevoir que la substance étendue exerce une action quelconque sur la substance pensante, et celle-ci sur celle-ia. Tout ce qu’il faudrait dire, c’est qu’il est impossible de concevoir comment cette action s’exerce. Encore, ceci ne