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C’est-une autre sorte d’amitié et non moins étrange, que celle qui met d’un côté toutes les charges, en réservant pour l’autre, avec tous les bénéfices, l’étalage peu onéreux d’une honorable sensibilité. Trop nombreuse pourtant est la race de ces amis qui font grand bruit de la délicatesse et de Yélévation de leur cœur, à condition qu’on ne leur demandera pas autre chose, et qu’ils pourront, quant à eux, disposer de la bourse, de la maison, du temps et du travail d’un ami trop complaisant ; tout prets d’ailleurs È. crier à Píngratitude et à la trahison, si, celui-ci se lasse d’être dupe d’un dévouement sans réciprocité.

Quand nous disons que Famitié est d’abord égoïste, nous entendons que ce qu’on y cherche, c’est le plaisir d’épancher un instinct bienveillant. Mais, comme nous l’avons remarqué, cet instinct s’épure, se transforme ; et, réglée désormais par la raison, la passion perd son caractère primitif pour prendre celui du dévouement le plus absolu. Alors l’amitié est vraiment digne des magnifiques éloges qu’en font les moralistes : « Il y a, dit La Bruyère, u 1 goût dans la pure amitié où ne peuvent atteindre ceux qui sont nés médiocres. » (Caractères, chap. rv, Du Cœur). La Rochefoucauld lui-même, au milieu de ses ifnaximes désespérantes, ne peut s’empêcher de rendre un bel hommage a l’amitié : « Il est plus honteux, dit-il, de se défier de ses amis que d’en être 15 trompé. » (llkzximes, 84.) Et La Fontaine (VIII, 11) : Qu’un ami véritable est une douce chose ! ll cherche vos besoins au fond de votre cœur ; Il vous épargne la pudeur

De les lui découvrir vous-même :

Un songe, un rien, tout lui fait peur

Quand ll sagit de ce qu’ll aime.

Les Deux Amis. ’

L’amitié, comme toutes les passions qui jouent un grand rôle dans la vie humaine, nait et se développe dans tant de circonstances et de milieux différents, qu*il est difficile d’e*J faire l’objet d’une analyse rigoureusement dogmatique. Aussi, le livre probablement le plus complet qui ail été écrit sur ce sujet, le Traité de Cicéron, ne présente pas ce caractère ; c’est plutôt, comme l’a dit un de ses récents éditeurs (M. Girard, De l’Amílié, Paris, 1854), Fépanchement d’une ame attendrie, interrompant ou complétant tour a tour par mille détails charmants le développement de sa pensée. Dans ces conditions, il est peu de questions relatives a l’amitié que Cicéron n’ait examinées, s’occupant successivement de sa nature et de son origine, de ce qui peut la compromettre, des maximes qulon doit y suivre, des devoirs qu’elle impose, du choix des amis, etc. Le railinement de l’esprit moderne a pourtant soulevé, à propos de l’amitié, quelques nouvelles questions, dont la solution est aussi délicate qu’intéressant : telles sont celles qui ont* pour objet l’influence des sexes sur l’amitié. La Bruyère (ib.) 2. encore sur ce point quelques lignes charmantes : u Ifamitíé peut subsister entre des gens de différents sexes, exempte même de grossièreté. Une u femme cependant regarde toujours un homme comme u un homme ; et réciproquement, un homme regarde u une femme comme une femme. Cette liaison n’est ni passion ni amitié pure ; elle fait une classe à part. ii Sur l’/huitíé mire les femmes, tel est le titre d’une Lettre dont Mm de lllaussion- a fait suivre une traduction du Traité de l’Amitié de Cicéron. <1 Le sujet, dit M. Girard, dédaigné ou touché d’une façon inconvenante par ses devanciers, méritait d’être traité par une femme d’esprit et de cœur. Comment se fait-il que l’auteur n’en ait tiré qu’une déclamation froide et sans portée, pleine de phrases recherchées, d’exemples pris en dehors du sujet et qui en rompent Penchaînement, où trop souvent enfin le sentiment est remplacé par la sentimentalité ? Cela ne prouve-t-il pas que du cœur et de l’esprit ne suffisent pas toujours pour écrire un bon livre, et qu’il faut encore de l’habitude et de la méthode ? iv - Les auteurs qui ont traité dogmatiquement de l’amitié sont, avec ceux qu’on u mentionnés plus haut : Platon, dans le Lysis ; Aristote.

  • Morale à Ni-5-omaque, l. VIII et IX ;.Plutarque, Du grand

nombre des mnis, et De la différence du [lutteur et de l’ami ; Lucien, dans le Toazaris ; Montaigne, Essais, l. I, ch. 27 ; M” (le Lambert, auteur d’un Traité de l’Amitié, publié en 17296, u qui fait voir, dit Voltaire, qu’elle méritait d’avoîr des amis. » B-E.

AMMAN, nom donné, dans la Haute-Allemagne et en Suisse, a un’magistrat dont la dignité correspond a celles de bailli, de prévôt ou demaire dans une commune, et qu’on nomme ailleurs anttmann, stadlvugl, scliul/hu : g. De la est venu le nom de lanrlamman, qui désigne le premier magistrat d’un canton en Suisse. AMMON, dieu de l’ancienne Égypte, représenté sur les monuments avec la figure humaine, assis sur un trône, et tenant à la main gauche un long sceptre surmonté d’un coucoupha, à la droite une croix ansée, et coiffé d’une couronne avec deux grandes plumes. Il n’a pour vêtement qu’une espèce de caleçon, en toile blanche, fine et plissée, et porte un collier, ainsi que des anneaux aux bras et aux jambes. Ses chairs sont souvent peintes ’en vert ou en bleu. Quelquefois, au lieu de la tête humaine, on lui a donné une tête symbolique de bélier. AMNISTIE (du grec amnèstia, oubli), acte du pouvoir souverain qui a pour objet d’elTacer un crime ou un délit. La première amnistie connue, celle dont est dérivé le mot même dûtmnistíe, fut accordée par’Thrasybule aux partisans des Trente tyrans qu’il venait de chasser d’Athènes. A Rome, on nommait abolition l’acte de souveraineté effaçant les condamnations. L’ancíen Droit avait les lettres d’abolition générale, -en faveur de certain genre de délits, et les lettres d’abolit*ion spéciale, délivrées à tel ou tel individu. Ce droit du pouvoir souverain, supprimé par le Code pénal de 1791, paraît être devenu jusqu’a l’an vin l’une des attributions du pouvoir législatif. L’Empire le revendiqua. La Restauration, par l’acte du 22 avril 1815, parut vouloir user des lettres d’abolition spéciale, que proscrivit définitivement l’art. 13 de la Charte de 1830. C’ést une question de savoir laquelle de l’amnistie ou de la grâce excède le plus les bornes du droit commun. L’amnistie diffère de la grâce, en ce que celle-ci nlintewient qu’après que la justice a prononcé, pour-remettre tout ou partie des peines, tandis que cellela emporte abolition des délits, poursuites ou condamnations ; par conséquent, un second délit commis par Famnistié ne peutkdonner lieu a l’application des peines de la récidive. L’zÎm’nistie du coupable emporte de droit celle du complice. L’amnistie s’entend surtout d’un acte de clémence en matière politique ; elle est une des bases de la paix des partis après les commotions intérieures d’u : État, et le pouvoir qui triomphe fait souvent, en l’accordant, acte de prudence et d’habileté autant que de générosité et de force. Ordinairement, c’est a l’occasion de quelque événement heureux ou de leur élévation au trône que les souverains accordent des amnisties. Dans une monarchie, le’droit d’amnistier appartient au souverain, et semble résulter du* droit de grâce ; cependant, en France, les rois ont plusieurs fois fait intervenir dans l’amnistie le pouvoir législatif. La Constitution de 1848 avait accordé au président de la République le droit de faire grâce, après avis du conseil d’lÉtat ; mais il ne pouvait amnistier sans le concours de l’Assemblée nationale. D’après le sénatus-consulte du 25 déc. 1852, c’est l’empereur qui a le droit d’accorder des amnisties. AMODIATION (du latin modius, boisseau), C’était, dans l’ancI France, le bail à ferme d’une terre, moyennant une certaine quantité de boisseaux de grains. Quelques-uns pensent que clétait un bail donné sous l a condition de prestation en nature. Le mot amodzatzon est auj. synonyme de location ou affermage.

AMORGES. V. ATTENTE (Pierres d’). et le Szmplém. AMORTISSEMENT, reconstitution d’un capital a l’aide d’une dotation annuelle, augmentée sans cesse par les intérêts composés de ces dotations accumulées. La théorie de Pamortissement’repose tout entière sur la puissance de l’intérêt composé ; exemple : pour rembourser au bout de cent ans une somme de 1790 fr. 86 cent., il suffit de mettre de côté chaque année 1 fr., et de.le placer à 5 pour 100 ; grâceaux intérêts composés, 100 fr. auront produit une somme environ 18 fois plus considérable.-Uamortissement est en usage dans toutes les compagnies

par actions qui n”ont que des concessions temporaires. A l’expiration de la concession, il faut que tout le capital des actions soit remboursé, autrement dit, amorti. Cet amortissement a lieu de deux manières : 1° une compagnie donne annuellement à ses actionnaires 5 pour 100, et réserve une somme fixe avec laquelle elle rachète des actions : ces actions amorties touchent leurs intérêts comme les autres, et par la chaque année le capital d’amortissement, et, par suite, les rachats augmentent. Les choses sont disposées de telle façon que toutes les actions se trouvent rachetées il la fin de la dernière année ; 2° une compagnie place tous les, ans en rentes son capital d’amortissement, qui s’accroît également de l’intér(-t composé et sert la dernière année a rembourse la fois tous les actionnaires. - Uamortissement est encore