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préface.

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Un cycle aussi riche en exploits chevaleresques ne pouvait manquer d’attirer l’attention des trouvères : les auteurs de nos vieilles Chansons de gestes, de nos romans français ou latins, appellent Alexandre sire de l’univers ; ils ont raison ; nul héros n’a eu plus que lui l’admiration et la sympathie du genre humain : ses compatriotes, les vaincus eux-mêmes, en firent un dieu, et les premiers chrétiens crurent à la vertu divine de’son image ; il y avait, dans les hymnes ecclésiastiques et dans les chansons populaires latines antérieures au xix* siècle, des strophes en l’honneur d’Alexandre. Un de nos rois, Henri Ier, se fit honneur d’épouser une princesse de Russie, qu’on disait issue des anciens rois de Macédoine. Au xn= siècle, une Alewandriado en vers latins, œuvre de Gautier de Lille ou de Chatillon, était enseignée dans les écoles. A l’époque des Croisades, les Occidentaux allèrent puiser, soit aux sources grecques, soit dans les livres qui circulaient sous’le nom de Callisthènes, soit enfin dans les travaux de Siméon Seth, protovestiaire de l’empereur Michel Ducas, ces légendes biographiques qui composent la Chanson ou le Roman d’Ale.zandre, une des productions les plus curieuses du xn° siècle. On attribue aLambert li Cors (le Court) et à Alexandre de Bernay la rédaction de ce poëme dont Alexandre est le héros. Il est probable que Lambert a conçu et exécuté le poëme, seul et sans co élaboration, mais que, plus tard, Alexandre de Bernay ou de Paris, arrangeur habile et poëte de mérite, a donné plus de régularité aux vers de l’auteur original, rajeuni le style, et remplacé les assonances de la Chanson primitive par des rimes exactes et harmonieuses. Voici une analyse succincte de l’ouvrage : Le trouvère nous fait assister à la naissance du héros macédonien, puis nous le montre recevant les leçons du philosophe Aristote et du sorcier Nectanébo, domptant Bucéphale, triomphant d’un prince grec nommé Nicolas, élisant douze pairs de Grèce, faisantlesiége d’Athènes, réconciliant Philippe et Olympias qu’a séparés un divorce, enfin roi, acceptant le défi que lui envoie Daire, roi des Persans. -Il commence la guerre par l’assaut d’une roche effrayante, image évidente d’Aornos, dont la prise, mentionnée par Arrieu, est citée avec admiration par le Pseudo-Callisthènes et par l’auteur de Pltinéraire d’Ale.1 : andre, et exaltée par Lucien, comme un exploit auquel Hercule lui-même avait renoncé. Alexandre fait pendre le duc qui avait défendu la place ; après quoi, il chevauche, suivi de nombreux soldats, sous un soleil ardent, et arrive il un fleuve limpide qui couiait sur le flanc d’une montagne. Tout couvert de sueur et de poussière, il s’y précipite ; mais le froid de l’eau lui glace le sang ; il allait périr, si Tolomé, Climon, et Perdiccas, trois de ses douze pairs, ne se fussent élancés à son secours et ne l’eussent ramené vers la rive. On le porte à sa tente, dont les trouvères nous font une -brillante peinture ; on le place mourant sur un drap d’Aquitaine. Son médecin, gagné par l’or du roi de Perse, apprete un poison pour le tuer ; mais à. l’aspect de ce prince magnanime et de la foule désolée, le remords étouffe en lui les suggestions de l’avarice, et le médecin ne songe plus qu’a sauver son roi, qui bientôt est rendu à ses soldats. - Alexandre entre ensuite en Syrie, prend Tyr et Gadres après une série d’exploits qui ne lasse point la verve un peu diffuse des trouvères, gagne la bataille de Paile (Arbelles), et punit les meurtriers de Daire, son rival vaincu. Porus, après avoir refusé de soutenir Daire, son suzerain, ayant enfin compris que son empire tomberait aux mains d’Alexandre, avait réuni cent mille chevaliers de toutes les contrées soumises à sa domination, Indiens, Cimmériens, Samaritains, Égyptiens, etc. Alexandre le défait, et le poursuit à travers les déserts. La nous quittons le domaine de la fiction romanesque pour entrer dans celui des prodiges et des merveilles : des monstres hideux, rassemblés autour d’un vaste étang, s”opposent au passage d’Alexandre. Le courage qu’il a déployé en s’élevant dans les airs sur un char traîne par de gigantesques oiseaux, et en descendant au fond de la mer dans une sorte de tonneau, lui fait aisément braver ces périls terrestres. Porus, devenu pour un temps son ami, le guide à. travers l’Inde. L’armée macédonienne arrive aux bornes d’Hercule, franchit le val périlleux où le diable avait élu séjour, échappe aux Sirènes et aux piéges séducteurs du bois où chaque fleur est une jeune fille, visite les fontaines qui donnent l’immortalité, et vient auprès des arbres prophétiques qui annoncent au roi sa mort prochaine. Alexandre, sans s’effrayer de cet oracle sinistre, poursuit ses victoires ]usqu’a Babylone ; a rès avoir triomphé des Amazones, il tombe victime de ia perfidie et du crime d’Antipater, Ip ;, : :, — :

et expire en léguant à ses chevaliers les débris de son empire et la conquête du monde..

Sur ce fond sont brodés mille curieux détails, relatifs à la chevalerie, aux coutumes et aux croyances du moyen age, aux luttes héroïques de l’époque des Croisades ; le tout se développant en plus de 20,000 vers, dont la forme est généralement coulante, malgré Puniformité des tirarles monorimes, grâce à de nombreux éclairs de poésie réelle, d’éloquence naturelle et vraie, qui animent la longueur parfois fatigante du récit. On trouve, dans le Roman d’Alexandre, des sentiments élevés, des situations fortes et des tableaux saisissants ; mais ce coloris particulier qui forme l’essence du style poétique, n’y brille qu’à de rares intervalles. Toutefois, en songeant que nos trouvères s’adressaient des barons illettrés ou à la foule ignorante, on leur saura gré de ces lueurs soudaines, dont s’éclaire par moments leur prosaïque poésie. C’est surtout dans la description des armures et des joutes chevaleresques qu’ils trouvent des expressions plus vives et plus brillantes. Les grandes scènes de la nature leur fournissent aussi quelques formes élégantes et fleuries : ils rencontrent assez bien, toutes les fois qu”il s”agit de peindre le printemps, l’aurore, le retour de la nuit, un orage, un fleuve, une prairie ; cependant leur souflle est court, leur richesse bornée : ils ne s’aventurent pas au delà d’un ou deux vers. La vénerie et la fauconnerie, alors en grand honneur, suggèrent encore aux auteurs du poème d ;1Alexandre des vers ou des comparaisons d’un heureux e et. T.

ALEXANDRIE (Bibliothèque d’). Cette bibliothèque, la plus fameuse de l’antiquité, fut fondée par Ptolémée Soter, dans le quartier de la ville appelé Bruchion. Sous Ptolémée Philadelphe, Démétrius de Phalère, gardien de ce dépôt précieux, avait déjà réuni 200,000 vol. La collection atteignit, après plusieurs règnes, - 700,000 vol. Evergète II empruntait ou faisait saisir des livres ; il les donnaità transcrire à des copistes, et rendait aux propriétaires les copies au lieu des originaux. La bibliothèque d’Alexandrie forma deux parties : 400,000 vol. étaient placés au Bruchion, et 300,000 dans le Sérapéum. Quand J. César se rendit maître de la ville (47 av. J.-C.), les livres du Bruchion périrent dans les flammes ; ceux du Sérapóum s’augmentèrent de la bibliothèque des rois de Pergame, donnée par Antoine à Cléopatre, mais furent anéantis ou dispersés à leur tour, l’an 390 de J.- C., pendant une lutte entre les paiens et les chrétiens de la ville. Bien n’autorise à. supposer que la bibliothèque ait été reconstituée depuis cette époque. Par conséquent, la tradition d’après laquelle Amrou, sur l’ordre du calife Omar, aurait brûlé, en 640, la bibliothèque d’Alexandrie, n’a aucun fondement sérieux : rapportée pour la première fois par le médecin Abd-Allatif et l’historien Aboul-Faradj, qui vivaient au xnl’siècle, c.-à-d. six siècles après Amrou, elle parait avoir été calquée sur un passage d’Ibn-Khaldoun, cité par Hadji-Khalfa, qui parle d’un pareil fait de vandalisme commis par les Arabes du temps d’Omar, mais dans les provinces de la Perse. Aucun écrivain grec, chrétien ou arabe, antérieur à Aboul-Faradj, ne mentionne la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie par Amrou. V. Ritschl, la Bibliothèque d’Alea2andríe, en allem., Berlin, 1838. B. Atsxnunma (Chronique d’), compilation d’auteurs grecs faite sous l’empereur Héraclius, au règne duquel elle s’arréte. Le manuscrit, découvert en Sicile vers le milieu du xvr° siècle, portait en tête le nom de Pierre d’Alexandrie. Il a été imprimé en 1615 par les soins du jésuite Raderus.

ntaxxnnanz (École d’), la dernière grande école de la philosophie grecque. Elle remplit a elle seule toute une période, période de décadence sans doute, si on la compare a celle qui produisit Socrate, Platon et Aristote ; mais elle n’en occupe pas moins une place importante dans l’histoire. Son théâtre principal fut Alexandrie, dont elle porte le nom, et son rôle est parfaitement conforme à la position géographique de cette ville : elle sert de lien entre deux civilisations, cherchant à unir et à concilier l’esprit oriental et l’esprit grec, à établir la fusion entre des doctrines et des croyances différentes, comme Alexandrie renfermait dans son sein les races et les populations diverses de l’ancien monde. Transportée tour à tour à. Rome et à. Athènes, elle a gardé son esprit, sa méthode et ses principes, qui forment son unité et son originalité. Elle est remarquable à. la fois par l’importance de ses doctrines, le génie des hommes qui l’ont illustrée, et la lutte qu’elle soutint contre le christianisine.