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préface.

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L’éC›Ol8.d’À16X8.Il(ll’i0 commence vers l’an 193 de l’èrc chrétienne. Il ne faut pas la confondre avec des écoles qui ont avec elle une certaine analogie ou peuvent e tre regardées comme ses antécédents. Ces écoles d’origine orientale et plutôt des sectes religieuses, telles que le gnosticisme, la cabbale, et même le judaïsme de Philon d’Ale› ; andrie qui tente aussi d’allier le platonisme avec le mosaïsme, restent tout a fait en dehors du néo platonisme, qui leur est postérieur. Celui-ci, tout entier issu de la philosophie grecque, en renoue la tradition et la continue, comme il reste fidèle à son esprit et son ’ ’l’ ’ce Ammomus et

génie. Il ne commence en réa tté qu av

Plotin. Sans parler d’une erreur grossière qui quelquefois classe parmi les Alexandrins un homme comme Apollonius de Tyane, personnage presque fabuleux, nullement philosophe, sur lequel on n’a qu’une légende absurde et pas de doctrine, il faut aussi écarter des écrivains tels que Plutarque, Numénius, etc., qui, malgré leur affinité avec le platonisme et une sorte d’éclectisme, sont également étrangers au néo platonisme ; ce sont plutôt des polygraphes ou des moralistes que des penseurs originaux. Une confusion plus commune est celle que l’on commet en rattachant à cette école le Musée d’Alexandrie, réunion de savants, d’érudits et de grammairiens établis dans le Sérapéum, sous la protection des Ptolémées. Cette espèce d’académie de savants n’a aucun centre de doctrines et d’autre lien que la communauté de travaux et de recherches de pure érudition ; aucun ne mérite le nom de philosophe. Le Musée, d’ailleurs, est fermé quand s’ouvre l’école platonicienne d’Alexandr1e. Le fondateur de cette école fut Ammonius Saccas. Avant lui, Potamon avait essayé un faible et vague éclectisme ; Philon le Juif avait aussi préparé la voie ; Numénius et Plutarque avaient eu une conception analogue, mais sans moyen de conciliation sérieuse. Ammonius est le point de départ de l’école, dont l’exîstenlce se prolonge sans interruption d’Ammonius à Proclus et Damascius, jusqu’au moment ou un édit de Justinien ferma les écoles de la philosophie grecque. - On distingue dans son développement trois périodes : 1° celle de sa naissance et de sa formation ; elle est représentée surtout par Ammonius, Plotin, Porphyre et Jamblique, ’qui constituent, organisent et développent la- doctrine sur des bases toutes rationnelles et philosophiques ; 2° une période à la fois de décadence et d’activité sociale, où, quittant les régions pures de la spéculation et de la science, elle se précipite, avec les esprits inférieurs, dans toutes les extravagances du mysticisme pratique, de Pilluminisme et de la théurgie. C’est aussi le temps de sa lutte directe avec le christianisme ; elle fait alliance avec le pouvoir politique, et elle est représentée surtout par Julien l’Apostat. La philosophie d’Alexandrie monte avec lui sur le trône, et tombe avec lui ; 3° vaincue, elle se retire de la scène politique, et va s’établir à Athènes, où, dans le silence -et la solitude, elle achève l’œuvre de ses premiers philosophes. Proclus est le représentant de cette 3° période. Après lui, le rôle de l’école d’Alexandrie est fini ; elle s’épuise et s’éteint pour ne plus renaître. Première période. En tête nous trouvons Ammonïus, dont la doctrine est difficile à préciser, parce qu’il n’a rien écrit. Ses idées se confondent avec celles de son disciple Plotin. Son enseignement eut un grand éclat, excita vivement l’attention, et lui attira de nombreux disciples, entre lesquels on compte l-Iérennius, Longin, Orzgène, et enfin P otín, qui recueillit ces germes, les développa, y ajouta ses propres conceptions, et forma un corps de doctrine complet, où se retrouvent tous les éléments essentiels d’un vaste système. La sont posés et discutés tous les grands problèmes de la philosophie, qui y reçoivent des solutions. Ces solutions sont indiquées, sinon suffisamment développées et coordonnées d’une façon régulière ; Ce qui distingue, en effet, les écrits de Plotin, c’est, avec l’originalité, la profondeur et la fécondité des vues, une exposition fragmentaire, entrecoupée et décousue, un style plein d’éclat, de vie et de richesse, mais où manque la clarté continue ; un certain défaut de liaison se remarque dans les détails et dans l’expression comme dans l’ensemble de la pensée, ainsi que l’absence d’une déduction nette et systématique. Ce sont des conceptions élevées et profondes, mais éparses et disséminées. Les écrits de Plotin, que lui-même n’a pas pris la peine de mettre en ordre, furent réunis par Porphyre, et classés en six parties contenant chacune 9 traités, ce qui en porte le nombre à 54 ; d’où le nom d’Enneaáes ou neuvaines.que porte l’œuvre du philosophe. A côté des qualités déjà signalées, la profondeur et ALE

l’élévation de la pensée, un grand.talent d’analyse, und intuition vive, et tous les mérites brillants d’une belle et féconde imagination, se remarquent la subtilité, l’abus des abstractions et des distinctions chimériques, des métaphores et des analogies, et tous les défauts de la pensée mystique. Malgré ces défauts, Plotin est un des beaux génies de l’antiquité. Avec lui est réellement fondé et constitué le système néo platonicien. Il ne reste plus qu’a en approfondir les points principaux dans les détails, a l’exposer et à Péclaircir, à combler les lacunes inévitables dans une pareille entreprise.

C’est ce qu’essayèrent les deux disciples de Plotin, Amélius et Porphyre. Le premier, qui s’était d’abord attaché à. la philosophie stoïcienne, l’abandonna pour embrasser la nouvelle doctrine. Il vint à Rome ou enseignait Plotin, suivit ses leçons, et recueillit ses doctrines dans ses entretiens, dont. il forma un grand nombre de traités aujourd’hui perdus. Il s’attacha aussi à distinguer la doctrine de Plotin de celle de Numénius et a en marquer les différences. Comme les autres philosophes de cette école, il chercha à réhabiliter le paganisme par une interprétation nouvelle. - Porphyre est le continuateur de Plotin. Esprit brillant, orné, plein de sagacité, érudit, littérateur et philosophe, il développa sous une forme claire et agréable, en la modifiant en certaines parties, la doctrine de son maître, dont. il a aussi écrit la vie. Le caractère de ses écrits, dont quelques-uns seulement sont restés, est une élégante simplicité. Il essaye aussi une conciliation des systèmes de l’antiquité, s”arrêtant peu aux différences, et cherchant ingénieusement à faire ressortir les ressemblances. C’est un véritable éclectique ; mais il n’évite pas Pécueil de cette doctrine, celui d’être superficiel. Sa doctrine diflère peu de celle de Plotin, qu’il se borne à éclaircir et a populariser. Il s’est rendu célèbre comme adversaire du christianisme, par un livre où il attaque les dogmes et les traditions de’la religion nouvelle, et qui plus tard fut brûlé par l’ordre de Théodose II.

Sans nous arrêter à Théodore d’Asine, personnage de peu d’importance, le vrai successeur de Porphyre fut Jamblíque. C’est un esprit mystique, exalté, enthousiaste, où déjà le prêtre s’allié au philosophe, et qui marque la nouvelle tendance de l’école d’Alexandrie. Toutefois, avec lui, la philosophie ne sort pas encore des voies de la spéculation pour entrer dans celles des pratiques superstitieuses et théurgiques ; mais il représente la transition. Le titre seul de ses écrits indique leur caractère ; c’est une vie de Pythagore, un Traité sur l’abstinence de la chair des animaux. On lui attribue aussi un livre sur les mystères égyptiens, mais dont l’authenticité est douteuse.

Deuxième période..lusqu”ici le néo platonisme a été’ une école toute philosophique, entièrement livrée aux recherches de la spéculation pure et de la science. Elle est loin d’être indifférente aux croyances religieuses, sur lesquelles elle exerce’son sens critique et son esprit de conciliation ; mais elle reste étrangère aux débats et aux agitations de la vie réelle. A partir de Jamblique, elle quitte le libre champ de la pensée pour entrer dans le monde de l’action, pour prendre part à la lutte engagée entre le paganisme et la religion nouvelle. En même temps elle quitte les procédés de la pensée pour se livrer aux pratiques d’un mysticisme exalté et extravagant, s’adonner à. la divination, aux opérations théurgiques de la magie. Elle s’enferme dans les sanctuaires, interroge leurs mystères et leurs obscurs symboles, cherche à prophétiser, à faire des prodiges et des miracles. Au lieu d’aspirer à la domination des esprits par la conviction et la persuasion, elle veut soumettre les âmes, les convertir ou les ramener par les moyens humains aux pratiques de l’ancien culte. Les progrès du christianisme la firent de son existence paisible ; elle s’émeut de ses conquêtes, et cherche à lui disputer l’empire. Elle prend un caractère politique et fait alliance avec le pouvoir social ; on la voit éta lír son domicile à la cour des empereurs. Parmi les successeurs de Jamblique, Eustathe, Edésius, Eusèbe cultivent encore la philosophie pour elle-même, en y mélant la science des mythes et quelques pratiques -de théurgie ; mais les autres, les Maxime, les Priscus, vivent à la cour ; Salluste est général et gouverneur de province ; Chrysanthe fait des miracles. u Tous ces adeptes du néo platonisme semblent moins des philosophes que des pontifes ou des hommes d’État. Les rares traités de cette époque ne sont que des livres sacrés, des ouvrages qui ne parlent que de i.x=¿argie et de magie, de sacrifices et de miracles. Partout la pen-