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bien plus vivement encore aux tribuns de la Jeune école Iiégólierrne.

On n’attend pas sans doute que nous nommions ainsi tous les romanciers qui ont paru depuis la mort de Gœthe. Au second et au troisième rang, les noms sont déjà bien nombreux, que serait-ce si nous descendions plus bas ? Citons seulement un petit nombre d’écrivains qui, par leurs qualités ou leurs défauts, ont plus particulièrement attiré l’attention. Le premier des conteurs du second ordre est M. Charles Gützkow, écrivain inégal, prétentieux, qui a rencontré parfois d’heureuses inspirations et déployé souvent des ressources incontestables. On peut placer au même rang M. Charles Spindler, M. Wilibald Alexis, M. Henri Kœnig, M. Théodore Mugge, inventeurs plus modestes, mais plus constamment heureux ; M. Léopold Kompert, à qui l’on doit de profondes et sympathiques études sur les populations juives de la Bohème ; M. Adalbert Stifter, un des meilleurs disciples de M.Berthold Auerbach ; M. Hacklaender, qui peint avec gaieté l’Allemagne de nos jours, militaire ou bourgeoise ; M. Riehl, enfin, qui essaye de conserver ou de ressusciter dans ses récits la bonne, la simple, la candide Allemagne du temps jadis.

Nous avons déjà nommé parmi les poëtes politiques les principaux représentants de Pinspiration lyrique depuisla mort de Gœthe, M. Henri Heine, M. Anastasius Grün, M. Nicolas Lenau, M. Ferdinand Freiligrath, M. Maurice Hartmann ; presque tous, après la levée d’armes dont nous avons parlé plus haut, ont continué non sans éclat les traditions poétiques de l’Allemagne. Henri Heine avait beau condamner la Muse à une éternelle ironie, on voyait encore de nobles fleurs s’épanouir a côté de ces plantes exquises et vénéneuses. Les traditions d’Uhland, de Frédéric Hückert, de Justinus Kerner, n’avaient pas disparu lorsque Nicolas Lenau, Anastasius Grün, Maurice Hartmann faisaient entendre des accents si élevés et si sincèrement germaniques. N’oublions pas de mentionner le groupe récemment formé des poëtes de la Bavière, M. Paul Heyse, M. Emmanuel Geibel, M. Frédéric Bodenstedt, artistes soigneux et fins, et surtout M. Hermann Lingg, qui manie la langue épique avec une fierté magistrale. Le théâtre est la partie faible de la littérature allemande contemporaine. Christian Grabbe, talent inculte, imagination violente, et Charles Immermann, esprit ardent et généreux, à qui la grâce a manqué, appartiennent il la fois aux derniers temps de la restauration et aux premières années de la période qui nous occupe. Immermann mérite d’être cité avec honneur parmi les écrivains qui ont travaillé avec le plus de zèle à la régénération de la scéne ; magistrat et homme de lettres, il se fit pendant quelques années directeur de théâtre, afin de former des acteurs et de faire l’éducation littéraire du public. Un tel essai ne pouvait réussir que dans un grand centre intellectuel ; établi à Dusseldorf, Immermann obtint les suíirages des esprits d’élite, mais ce ne fut la qu’un brillant épisode sans résultats durables. Depuis le mouvement inauguré par la jeune Allemagne, il y a eu bien d’autres tentatives dans le domaine de la littérature dramatique. M. Charles Gützkow et M. Henri Laube ont été les deux dramaturges de cette école ; le premier, ardent, infatigable, toujours pret à agiter le public, mais bizarre, prétentieux, et remplissant ses drames de subtilités intolérables à. la scène ; le second, élégant, ingénieux, mais sans invention et sans force. M. Frédéric Hebbel, qui ne se rattache a aucune école, artiste solitaire, imagination exaltée, a essayé de renouveler la poésie théâtrale en melant a l’action je ne sais quels mystérieux symboles. Cette prétention malencontreuse et maladroite n’a pas empêché la critique de reconnaître l’originalité du poëte : M. Hebbel est le talent le plus vigoureux que le théâtre allemand ait produit depuis Schiller. M. Otto Ludvig a fait représenter une tragédie, les Macchabées, et un drame populaire, le Forestier, qui révèlent une inspiration énergique et terrible. N’oublions pas M. Munch Bellinghansen, qui, sons le pseudonyme de Frédéric Haim, a donné à son pays l’œuvre dramatique la plus complète qui ait paru depuis bien longtemps en Europe, le Gladiateur de Ilaoenne. Malgré ces succès isolés, l’Allemagne sont bien qu’elle n’a pas de théâtre national ; elle voudrait une réforme, et elle appelle le second Schiller qui accomplira l’œuvre si glorieusement commencée par l’auteur de Wallenstetn. La critique allemande est persuadée que le Schiller de l’avenir ne peut tarder å. paraître : de la ces légions d’écrivains si empressés d’accourir au moindre signe, de la ces-myrindes de tragédies et de drames que chaque année voit naître et mourir à la foire de Leipzig. Comment se reconnaître au milieu de cette stérile abondance ? Tout récemment, un souverain d’Allemagne a ouvert un concours pour la poésie dramatique. et plus de cent ouvrages en cinq actes ont passé sous les yeux du jury ; qu’est-il sorti de cette lutte ? M. Paul Heyse, qui a remporté la victoire, a pu ajouter à ses œuvres une tragédie habilement composée ; il n’a pas donné a son pays ce génie dramatique dont elle appelle impatiemment la venue. «

On voit que, si la présente période des lettres germaniques ne nous otlre pas un seul génie du premier ordre, elle se distingue au moins par l’activité des intelligences et l’heureuse diffusion des lumières. Les écrivains allemand : de nos jours s’appellent eux-mêmes les épigones ; ils veulent indiquer par la que, venant après la période classique, leur rôle est de conserver les richesses acquises par les maîtres, et de les faire circuler dans la foule. Le culte des grands écrivains que l’Allemagne appelle ses classiques est devenu, en effet, un des traits distinctifs de cette période. Depuis une dizaine d’années surtout, Gœthe, Schiller, Lessing, sont étudiés, commentés, expliqués à tous par des critiques dévoués, et composent de plus en plus le patrimoine intellectuel et moral de la nation. M. Julien Schmidt, M. Henri Düntzer, M. Viehotï, M. Palieske, bien d’autres encore, ont consacré leur vie a cette tache ; les uns, comme M. Düntzer, avec une sorte de dévotion minutieuse ; les autres, comme M. Julien Schmidt, avec une male indépendance et une préoccupation très-sérieuse du présent et de l’avenir. Au moment où nous terminons cette étude, l’Allemagne vient de célébrer avec un enthousiasme sans exemple le centième anniversaire de la naissance de Schiller. Cette unité que l’Allemagne désire avec transport, cette unité qu’elle épreuves de Pana

inutilement poursuivie à travers les

née 1848 et que longtemps encore elle appellera en vain, dans ce domaine

elle est sûre au moins de la trouver

d*idées, de sentiments, d’inspirations, constitué à jamais par les chefs-d”œuvre des maîtres. Les gardiens de la communauté nationale s’appellent Lessing, Gœthe, Schiller ; l*Allemagne s’attache donc à ces représentants de son génie avec une ferveur toujours plus vive, et la fête du 10 novembre 1859 est le couronnement naturel du tableau que nous avons essayé de tracer. V. Fr. Schlegel, Histoire de la littérature ancienne et moderne, Vienne, 18-18, 2 vol. ; L. Wachler, Histoire de la littérature nationale des Allemands, Francfort, 1818, 2 vol. ; Fr. Bouterweck, Histoire de la poésie et de l’éloquence, t. IX, X et XI, Gœttingne, 1812-1819 ; Th. Heinsius, Histoire de la langue et de lu littérature allemandes, 4° édit., Berlin, 1819 ; F. Horn, Poésie et éloquence des Allemands depuis Luther jusqu’d nos jours, Berlin, 1822-1824, 4 vol. ; F. Heinsius, Histoire de la littérature allemande, Berlin, 1823 ; F.-G. Kunisch, Histoire de la littérature classique des Allemands, Halle, 1822-1824, 3 vol. ; Menzel, Littérature allemande, Stuttgard, 1828, 4 vol. ; A. Koberstein, Tableau de la littérature nationale des Allemands, Leipz., 1827, traduit en français par X. Marmier ; Henry et Apfell, Histoire de la littérature allemande, d’après Heinszus, Leipz., 1839 ; H. Heine, Littérature moderne des Allemands, Paris, 1840, 2 vol. ; Gervinus, Histoire de la littérature nationale poétique des Allemands, Leipz., 1845, 5 vol. ; Hildebrand, Histoire de la littérature allemande depuis Lessing jusqu’d ’nos jours, Hambourg, 1845, 2 vol. in-80 ; H. Kurtz, Histoire de la littérature allemande, Leipz., 1853-1859, 3 vol. in-80 ; Julien Schmidt, Histoire de la littérature allemande au xxx° siècle, 2° édit., 3 vol., Leipz.,1855. S.-B. T. xtceuxnoa (Versitication). La rime (V. ce mot) est le caractère des plus anciennes poésies de l’Al|emagne, qui consistaient en chants d’église et en chants populaires ; elle est aussi accompagnée d’allité›’ations (V. ce mot), comme on le voit dans la prière de Wessobrunn et le chant d’Hildebrand. A partir de l’époque où parut l’Harmonie des Évangiles, par Otfried de Wissembourg, Pallitération fut abandonnée ; heureusement pour le bon goût, les efforts de quelques poëtes de l’école romantique du xix° siècle, les Schlegel, Rückert, La Motte-Fouqué, Burger et Lappe, n’ont pas obtenu de grands succès. Ce sont aussi les Schlegel, Ubland et Tieck, qui ont emprunté à la poésie espagnole l’emploi de Fassonance (V. ce mot), beaucoup plus goútée que Fallitération. La mesure de l’ancien vers allemand ne reposait ni sur la quantité des syllabes, comme en grec et en latin, ni sur leur nombre, comme dans presque toutes les autres langues vivantes ; elle consistait uniquement dans