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DES ANCIENS.

mées, pour les rendre aux sirènes[1].

Il est dit, dans cette fable, que les sirènes faisoient leur résidence dans des isles, parce qu’en effet les voluptés cher-

  1. Je suis persuadé que, si l’on ôtoit cette couronne à la muse ennuyeuse, pour la donner à la muse qui amuse, et qui mérite ainsi le nom qu’elle porte, on feroit justice. Quand on parcourt un livre amusant, on est bien sûr de s’amuser ; au lieu qu’en méditant un de ces livres ennuyeux, qu’on croit utiles, on n’est pas certain qu’on en tirera parti, puisqu’on ne l’est pas même de vivre assez long-temps pour en achever la lecture. L’auteur amusant donne à ses lecteurs le plaisir que l’auteur utile ne fait que promettre. Une folie gaie qui nous distrait des maux innombrables de cette vie et qui les efface pour nous, en nous empêchant d’y penser, est cent fois plus utile et plus sage que la triste sagesse qui les compte sans les guérir, et qui les multiplie pour nous, en les comptant. Un fou divertissant est un très grand philosophe ; car c’est de se divertir qu’il s’agit ; et le plaisir est infiniment utile puisque le plaisir est la matière première du bonheur qui est le but ; la sagesse n’est que le moyen ; et c’est un moyen qui manque presque toujours le but ; car les sages ne sont pas plus heureux que les fous.