Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maîtres qui n’avoient rien omis de ce qui dépendoit d’eux pour le satisfaire, il ne se croioit pourtant pas redevable à ses études de ce qu’il a fait dans la suite pour la recherche de la vérité dans les arts et les sçiences. Il ne faisoit pas difficulté d’avouër à ses amis, que quand son pére ne l’auroit pas fait étudier, il n’auroit pas laissé d’écrire en françois les mêmes choses qu’il a écrites en latin. Il témoignoit souvent que s’il avoit été de condition à se faire artisan, et que si on lui eût fait apprendre un mêtier étant jeune, il y auroit parfaitement réüssi, parce qu’il avoit toujours eu une forte inclination pour les arts. De sorte que ne s’étant jamais soucié de retenir ce qu’il avoit appris au collége, c’est merveille qu’il n’ait pas tout oublié, et qu’il se soit souvent trompé lui-même dans ce qu’il croioit avoir oublié.

M. Descartes passa l’hiver de la fin de 1612 et du commencement de 1613 dans la ville de Rennes, à revoir sa famille, à monter à cheval, à faire des armes, et aux autres éxercices convenables à sa condition. On peut juger par son petit traité de escrime , s’il y perdit entiérement son têms. Son pére, qui avoit déja fait prendre le parti de la robe à son aîné, sembloit le destiner au service du roy et de l’etat dans les armées. Mais son peu d’ âge et la foiblesse de sa complexion ne lui permettoient pas de l’exposer si-tôt aux travaux de la guerre. Il crût qu’il seroit bon de lui faire voir le grand monde auparavant. C’est ce qui le fit résoudre à l’envoier à Paris vers le printems. Mais il fit peut-être une faute de l’abandonner à sa propre conduite,