Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/122

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Dans cette supposition l’on a prétendu nous persuader qu’il avoit déja composé d’autres piéces plus achevées, et plus propres encore à nous faire juger de la grandeur de son esprit et de son sçavoir dans un âge si peu avancé. Mais j’apprehende que cette opinion n’ait pas d’autre fondement que l’autorité du traducteur françois du traitté de la musique, qui fait parler M Descartes, comme s’il eût voulût faire passer ce traitté pour un tronc informe , auprés de quelques autres piéces plus achevées , qu’il auroit composées auparavant. Sans blesser le respect dû au mérite du traducteur, on peut douter s’il a exprimé précisément la pensée de son auteur. Les termes ausquels M Descartes s’en est expliqué sur la fin du traitté, semblent devoir nous persuader que ces piéces prétenduës ne sont autre chose que ce qui se peut trouver de bon dans le traitté de la musique par rapport à ce qu’il y voioit de défectueux. Je souffre volontiers, dit-il à l’ami qui lui avoit faire cét ouvrage, que cette production imparfaite de mon esprit aille jusqu’à vous, pour vous faire souvenir de nôtre amitié, et pour étre un gage assuré de l’affection sincere que j’ai pour vous, c’est à condition, s’il vous plaît, que vous le tiendrez enseveli dans le fonds de vôtre cabinet, afin de ne le point exposer aux jugemens des autres, qui pour trouver matiére à la censure, pourroient bien ne s’arrêter que sur les endroits défectueux de la piéce, sans vouloir jetter les yeux sur ceux où j’aurois peut être gravé des traits plus vifs de mon esprit . Je suis persuadé que vous n’en userez pas de la sorte vous qui sçavez que cét ouvrage n’est que pour vous, et que c’est vôtre consideration seule qui me l’a fait brocher tumultuairement dans un corps de garde, où régnent l’ignorance et la fainéantise, et où l’on est toujours distrait par d’autres pensées, et d’autres occupations que celles de la plume.