Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/164

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La fin de leur institut étoit la réformation générale du monde, non pas dans la religion, dans la police du gouvernement, ou dans les mœurs ; mais seulement dans les sciences : et ils s’obligeoient à garder le célibat. Ils embrassoient l’étude générale de la physique dans toutes ses parties : mais ils faisoient une profession plus particuliére de la médecine et de la chymie. Michel Mayer qui a fait un livre des constitutions de la confrérie, ne leur donne que six statuts généraux. Le prémier, de faire la médecine gratuitement pour tout le monde. Le second, de s’habiller selon la mode du païs où ils se trouveront. Le troisiéme, de s’assembler tous les ans une fois. Le quatriéme, de choisir des successeurs habiles et gens de bien à la place de ceux qui viendront à mourir. Le cinquiéme, de prendre pour le cachet ou le sçeau de la congrégation, les deux lettres capitales Rc. Le sixiéme, de tenir la societé secrete et cachée au moins pendant cent ans. La renommée a fait des gloses sur ces statuts, qui ont donné matiére à une multitude de traitez qui se sont faits pour et contre eux.

Ceux qui ont entrepris de les décrier comme des extravagans, des visionnaires et des impies, leur ont attribué des maximes fort étranges : et ils les ont fait passer pour une nouvelle secte de luthériens paracelsistes.

Monsieur Descartes ne sçavoit pas celuy de leurs statuts qui leur ordonnoit de ne point paroître ce qu’ils étoient devant le monde ; de marcher en public vêtus comme les autres ; de ne se découvrir ni dans leurs discours, ni dans aucunes de leurs maniéres de vivre. Ainsi l’on ne doit pas s’étonner que toute sa curiosité, et toutes ses peines ayent été inutiles dans les recherches qu’il fit sur ce sujet. Il ne luy fut pas possible de découvrir un seul homme qui se déclarât de cette confrérie, ou qui fût même soupçonné d’en être. Peu s’en falut qu’il ne mît la societé au rang des chiméres. Mais il en fut empêché par l’éclat que faisoit le grand nombre des écrits apologétiques, qu’on avoit publié jusqu’alors, et qu’on continua de multiplier encore depuis en faveur de ces rose-croix tant en latin qu’en allemand. Il ne crut pas devoir s’en rapporter à tous ces écrits ; soit parce que son inclination le portoit à prendre ces nouveaux sçavans pour des im