Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/184

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Fludd. C’est ce qui embarassa M Gassendi dans la suite, lors qu’il fut question de défendre ce pére contre cét anglois, qui ne manqua pas de prendre pied sur quelques duretez du pére, pour les lui rendre avec usure. Il fit contre le Pére Mersenne, deux ouvrages latins, dont il appella le prémier, le combat de la sagesse avec la folie . Il publia le second sous le nom de Joachim Frisius ou plûtôt Fritschius, et sous le titre de souverain bien, qui est le vray sujet de la magie, de la cabale, de la chymie, et de l’étude des confréres de la rose-croix . Si celui qui est le plus fort en injures et en aigreur de stile, devoit passer pour le vainqueur, on ne pouroit nier que le P Mersenne n’eût été vaincu. Les mauvais traittemens qu’il recût de Fludd excitérent l’indignation de divers auteurs qui prirent la plume pour sa défense. Les plus zélez furent deux de ses confréres, François De La Nouë, et Jean Durel ; le prémier sous le masque de flaminius , et l’autre sous celui d’Eusébe de Saint Just . Mais personne ne le fit avec plus d’avantage que l’illustre Monsieur Gassendi prevôt de l’eglise de Digne, et depuis professeur royal des mathématiques à Paris. M Gassendi le prémier des philosophes de la France aprés M Descartes étoit plus jeune que le Pére Mersenne de trois ans et demi, plus âgé que M Descartes de prés de quatre ans : et il survêquit à l’un et à l’autre. Les panégyristes de ce grand homme ne pourront élever son mérite si haut que nous ne puissions le concevoir encore au-dessus de tout ce qu’ils tâcheront d’en exprimer. Peut-être ne trouveront-ils pas d’éloge plus éclatant et plus solide pour lui, que celui d’avoir mérité d’entrer en paralléle avec M Descartes ; et d’avoir été l’un des plus sages, des plus modérez, et des plus raisonnables d’entre ses adversaires. Si Robert Fludd n’a point trompé M Gassendi sur la peinture qu’il a faite des rose-croix dans les ouvrages qu’il a publiez en leur faveur, il faut laisser à M Gassendi la gloire d’avoir été plus heureux que M Descartes, dans la découverte et dans la connoissance des rose-croix. Mais si l’éxamen que M Gassendi a fait de la philosophie de Fludd, est une bonne censure de la société des rose-croix : on peut dire que la conduite de M Descartes dans sa maniére de vivre, d’étudier, et de raisonner, en a été une perpétuelle réfutation.