Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/189

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niverselle ; puis qu’elle renferme tout ce qui peut faire mériter le nom de science et de mathématique particuliére aux autres connoissances.

Voila le dénouëment de la difficulté qu’il y auroit à croire que M Descartes eût absolument renoncé aux mathématiques en un têms où il ne lui étoit plus libre de les ignorer. Il ne sera pas plus aisé de croire qu’il ait voulu dans le même têms faire le même traittement à la physique, si l’on ne trouve le tour qu’on peut donner à une résolution si surprenante.

Il faut avouër que se trouvant quelquefois découragé par le peu de certitude qu’il remarquoit dans ses découvertes de physique, il avoit tenté déja plus d’une fois d’en abandonner les recherches, dans le dessein de ne plus s’appliquer qu’à la science de bien vivre.

Au milieu de ces loüables mouvemens il avoit embrassé l’étude de la morale. Il la reprit tout de nouveau depuis son retour à Paris : et l’on peut dire qu’il la continua pendant toute sa vie. Mais ce fut sans ostentation, et plus pour régler sa conduite que celle des autres. L’homme du monde qui semble l’avoir connu le plus intérieurement, nous apprend que la morale faisoit l’objet de ses méditations les plus ordinaires. Mais il ne fut pas longtêms sans retourner à ses observations sur la nature : et l’on peut douter qu’il ait jamais renoncé sérieusement à la physique, depuis qu’il se fut dépouïllé des préjugez de l’ecole. La satisfaction que ses recherches lui donnoient sur ce point étoit ordinairement victorieuse des petits déplaisirs qui lui naissoient de l’inégalité du succés dans les commençemens. Il s’apperçut bien-tôt que l’étude de la physique n’étoit point inutile à celle de la morale : et que rien ne lui étoit plus avantageux pour régler ses actions que les démarches qu’il faisoit dans le discernement du vrai et du faux. C’est ce qu’il a reconnu long têms depuis dans une lettre qu’il écrivit à M Chanut, auquel il marque qu’il étoit entiérement de son avis, lors qu’il jugeoit que le moien le plus assuré pour sçavoir comment nous devons vivre, est de connoître auparavant quels nous sommes ; quel est le monde dans lequel nous vivons ; et qui est le créateur de cét univers où nous habitons. Il lui déclare, comme un homme persuadé de ce qu’il avance, que la connoissance qu’il av