Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/192

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La pensée d’éxécuter le dessein de ce voyage luy étoit venuë dés le mois de mars, sur la nouvelle qu’il avoit reçeuë de la mort de M Sain ou Seign son parent, qui de controlleur des tailles à Châtelleraut, étoit devenu commissaire général des vivres pour l’armée du côté des Alpes. Le prétexte étoit d’aller mettre ordre aux affaires de ce parent, et de prendre cette occasion pour se faire donner, s’il étoit possible, la charge d’intendant de l’armée. Il s’étoit pourvû de toutes les procurations nécessaires pour réüssir dans cette affaire ; et il devoit partir en poste le Xxii du même mois, aprés avoir mandé à ses parens qu’un voyage au delà des Alpes luy seroit d’une grande utilité pour s’instruire des affaires, acquerir quelque expérience du monde, et former des habitudes qu’il n’avoit pas encore ; ajoutant que s’il n’en revenoit plus riche, au moins en reviendroit-il plus capable . Mais l’empressement qu’il avoit de vendre le bien qu’il possédoit en Poitou, luy avoit fait différer le voyage.

Il partit au mois de septembre, et prit sa route vers la ville de Basle et les suisses, avec la résolution de visiter ce qu’il n’avoit pû voir de la haute Allemagne dans ses prémiers voyages. Il luy auroit été facile de trouver à Basle, à Zurich, et dans d’autres villes, des philosophes et des mathématiciens capables de l’entretenir : mais il fut plus curieux de voir des animaux, des eaux, des montagnes, l’air de chaque païs avec ses météores, et généralement ce qui étoit le plus éloigné de la fréquentation des hommes, pour mieux connoître la nature des choses qui paroissent les moins connuës au vulgaire des sçavans. Lorsqu’il passoit dans les villes, il n’y voyoit les sçavans que comme les autres hommes, et il n’observoit pas moins leurs actions que leurs discours.

Des suisses il passa chez les grisons, parmi lesquels les mouvemens de la Valteline le retinrent pendant quelque têms. Dés l’an 1619 le Roy D’Espagne de concert avec les archiducs et autres princes de la maison d’Autriche au comté de Tyrol, avoit envoyé des troupes du Milanez pour envahir la Valteline sur les grisons, à qui elle appartenoit.

Le prétexte de l’invasion selon la méthode ordinaire des Roys D’Espagne, étoit la protection des catholiques contre les protestans :