Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/214

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Descartes, qui le servit fort à propos auprés du Cardinal Barberin légat en France contre le Pére Goulu, appellé dans son couvent Dom Jean De Saint François, Général Des Feüillans, qui publia contre luy deux ans aprés deux volumes de lettres sous le nom de phyllarque. Ce qu’il y a de certain, c’est que M Descartes et M De Balzac étoient dés lors dans le commerce de l’amitié la plus étroite et la plus sincére. Ce philosophe qui estimoit encore plus le bon cœur de M De Balzac que son bel esprit, ne laissoit pas de vanter aux occasions son éloquence et son érudition : mais sur tout il faisoit cas de la délicatesse de ses pensées, et du tour de ses expressions. Comme il sçavoit autant qu’homme du monde se conformer au goût du siécle et du pays où il avoit à vivre, il ne faisoit point difficulté de comparer la pureté de l’élocution qui regne dans les écrits de M De Balzac, à la santé du corps qui n’est jamais plus parfaite que lorsqu’elle se fait le moins sentir. Il comparoit aussi les graces et la politesse que tout le monde admiroit pour lors dans M De Balzac, à la beauté d’une femme parfaitement belle, qui ne consiste pas dans l’éclat, ou la perfection de quelque partie en particulier, mais dans un accord et un tempérament si juste de toutes les parties ensemble, qu’il n’y en doit avoir aucune qui l’emporte au dessus des autres, de peur que la proportion n’étant pas bien gardée dans le reste, on ne s’apperçoive de l’imperfection de tout le corps. C’étoit juger de la grammaire, et de l’éloquence de M De Balzac en philosophe et en géométre : et l’on peut assurer que dés ce têms-là les complimens et les discours les moins sérieux de M Descartes sentoient sa philosophie et sa géométrie. Mais il est à remarquer d’ailleurs que les grands sentimens qu’il faisoit paroître pour M De Balzac avoient pour principal fondement leur amitié réciproque. Il se divertissoit quelquefois de l’amitié de M De Balzac avec leurs amis communs : mais le mépris, ni l’indifférence n’entroient point dans ses plaisanteries. C’est ce qui paroît assez par la maniére dont il s’en expliqua un jour avec M De Zuytlichem gentilhomme hollandois, à qui M De Balzac avoit écrit une lettre de compliment sur la perte qu’il avoit faite d’une personne qui luy étoit chére. M De Balzac, dit-il, étant si amateur de la liberté, que ses jarretiéres même et ses aiguillettes luy pésent,