Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/239

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s : et quelques-uns de ceux qui s’étoient déclarez contre la méthode des ecoles pour suivre le Sieur De Chandoux ne firent point difficulté de changer d’opinion, et de suspendre leur esprit pour le déterminer comme ils firent dans la suite à la philosophie que M Descartes devoit établir sur les principes dont il venoit de les entretenir. Le Cardinal De Bérulle sur tous les autres goûta merveilleusement tout ce qu’il en avoit entendu, et pria M Descartes qu’il pût l’entendre encore une autre fois sur le même sujet en particulier. M Descartes sensible à l’honneur qu’il recevoit d’une proposition si obligeante luy rendit visite peu de jours aprés, et l’entretint des prémiéres pensées qui luy étoient venuës sur la philosophie, aprés qu’il se fût appercû de l’inutilité des moiens qu’on emploie communément pour la traitter.

Il luy fit entrevoir les suites que ces pensées pourroient avoir si elles étoient bien conduites, et l’utilité que le public en retireroit si l’on appliquoit sa maniére de philosopher à la médecine et à la méchanique, dont l’une produiroit le rétablissement et la conservation de la santé, l’autre la diminution et le soulagement des travaux des hommes. Le cardinal n’eût pas de peine à comprendre l’importance du dessein : et le jugeant tres-propre pour l’éxécuter, il employa l’autorité qu’il avoit sur son esprit pour le porter à entreprendre ce grand ouvrage. Il luy en fit même une obligation de conscience, sur ce qu’ayant reçû de Dieu une force et une pénétration d’esprit avec des lumiéres sur cela qu’il n’avoit point accordées à d’autres, il luy rendroit un compte exact de l’employ de ses talens, et seroit responsable devant ce juge souverain des hommes du tort qu’il feroit au genre humain en le privant du fruit de ses méditations. Il alla même jusqu’à l’assurer qu’avec des intentions aussi pures et une capacité d’esprit aussi vaste que celle qu’il luy connoissoit, Dieu ne manqueroit pas de benir son travail et de le combler de tout le succez qu’il en pourroit attendre.

L’impression que les exhortations de ce pieux cardinal firent sur luy se trouvant jointe à ce que son naturel et sa raison luy dictoient depuis long têms acheva de le déterminer. Jusques là il n’avoit encore embrassé aucun parti dans la philosophie, et