Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à chercher les fondemens d’aucune philosophie plus certaine que la vulgaire.

l’éxemple de plusieurs excellens esprits qui n’avoient pas réüssi dans le dessein qu’ils en avoient eû, luy avoit représenté la difficulté si grande, qu’il n’auroit peut-être pas osé l’entreprendre encore si-tôt, si l’on n’eût déja fait courir le bruit qu’il en étoit venu à bout. Cette opinion s’étoit établie parmi les curieux sans sa participation, et elle ne pouvoit avoir eû de fondement que sur la demangeaison que ses amis avoient de publier ce qu’ils en sçavoient.

Pour luy il prétend que s’il avoit contribué quelque chose à cette opinion par ses discours, ce seroit seulement pour avoir confesse plus ingénûment ce qu’il ignoroit, que n’ont coûtume de faire ceux qui ont un peu étudié, et pour avoir fait voir les raisons qu’il avoit de douter de beaucoup de choses que les autres estiment certaines. Mais la bonté de son cœur ne luy permettant pas de souffrir qu’on le prît pour autre qu’il n’étoit, il crut qu’il devoit faire tous ses efforts pour se rendre digne de la réputation qu’on luy donnoit.

Ce desir le fit résoudre à s’éloigner de tous les lieux où il pouvoit avoir des connoissances, et à se retirer dans le fonds de la Hollande. Mais dans la crainte de rencontrer des obstacles à une résolution si extraordinaire de la part de ses parens et de plusieurs de ses amis, il voulut éviter l’occasion de ne pouvoir résister à leur autorité. Au lieu d’aller prendre congé d’eux, il se contenta de leur écrire sur le point de son départ, et s’excusa de ne pouvoir les embrasser et prendre leurs ordres de vive voix sous le prétexte du peu de têms que lui avoit laissé la précipitation de ses affaires. Il établit le P Mersenne son correspondant pour le commerce des lettres qu’il devoit entretenir en France : et il convint avec luy de la maniére dont il luy garderoit le secret pour le lieu particulier de sa retraite, et pour la liberté dont ils useroient ensemble dans leurs sentimens sur les personnes et sur les choses dont il seroit question entre eux. Il commit le soin de ses affaires domestiques et de ses revenus à l’Abbé Picot, et n’ayant dit adieu qu’aux plus particuliers d’entre ses amis, il sortit de la ville vers le commencement de l’avent de l’an 1628.

Il ne jugea point à propos d’aller droit en Hollande pour