Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/246

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n’est plus glorieux pour la Hollande que la maniére dont il en écrivit deux ans aprés à M De Balzac, qui luy avoit fait espérer de l’aller voir dans sa retraite en luy mandant le dessein qu’il avoit conçû de se retirer de la cour et du monde. Je ne trouve pas étrange, dit-il, qu’un esprit grand et généreux comme le vôtre ne se puisse accommoder à ces contraintes serviles où l’on se trouve dans la cour. Et puisque vous m’assurez tout de bon que Dieu vous a inspiré de quitter le monde, je croirois pécher contre le S Esprit, si je tâchois de vous détourner d’une si sainte résolution.

Vous devez même pardonner à mon zéle, si je vous convie de choisir Amsterdam pour vôtre retraite : et de le préférer, je ne diray pas seulement à tous les couvents des capucins et des chartreux où beaucoup de gens se retirent, mais aussi à toutes les plus belles demeures de France et d’Italie, et même à ce célébre hermitage dans lequel vous étiez l’année passée.

Quelque accomplie que puisse être une maison des champs, il y manque toûjours une infinité de commoditez qui ne se trouvent que dans les villes : et la solitude même qu’on y espére ne s’y rencontre jamais toute parfaite.

Je veux que vous y trouviez un canal qui fasse rêver les plus grands parleurs, une vallée si solitaire qu’elle puisse leur inspirer du transport et de la joye. Mais il est difficile que vous n’aiez aussi quantité de petits voisins qui vont quelquefois vous importuner, et de qui les visites sont encore plus incommodes que celles que vous recevez à Paris. Au lieu qu’en cette grande ville où je suis, n’y ayant aucun homme, excepté moy, qui n’éxerce la marchandise, chacun est tellement attentif à son profit, que j’y pourrois demeurer toute ma vie sans être jamais vû de personne. Je vas me promener tous les jours parmi la confusion d’un grand peuple avec autant de liberté et de repos que vous pourriez faire dans vos allées : et je n’y considére pas autrement les hommes qui me passent devant les yeux, que je ferois les arbres qui se trouvent dans vos forêts, où les animaux qui y paissent. Le bruit même de leur tracas n’interrompt pas plus mes rêveries que feroit celuy de quelque ruisseau.

Que si je fais quelquefois réfléxion sur leurs actions, j’en reçois le même plaisir que vous feriez de voir les païsans qui cultivent vos campagnes, considérant