Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/247

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que tout leur travail sert à embellir le lieu de ma demeure, et à faire ensorte que je n’y manque d’aucune chose. Que s’il y a du plaisir à voir croître les fruits dans vos vergers, et à s’y trouver dans l’abondance jusques aux yeux ; pensez vous qu’il n’y en ait pas bien autant à voir venir icy des vaisseaux qui nous apportent abondamment tout ce que produisent les Indes, et tout ce qu’il y a de rare dans l’Europe ? Quel autre lieu pourroit-on choisir au reste du monde où toutes les commoditez de la vie et toutes les curiositez que l’on peu souhaiter soient si faciles à trouver qu’en ce-luy- toutes les curiositez que l’on peut souhaiter soient si faciles à trouver qu’en celuy-cy ? Sçavez-vous un autre pays où l’on puisse jouïr d’une liberté si entiére ; où l’on puisse dormir avec moins d’inquiétude ; où il y ait toujours des armées sur pied pour nous garder sans nous être à charge ; où les empoisonnemens, les trahisons, les calomnies soient moins connuës ; et où il soit demeuré plus de reste de l’innocence de nos ayeux. Je ne sçay comment vous pouvez tant aimer l’air d’Italie, avec lequel on respire si souvent la peste ; où la chaleur du jour est insupportable, la fraicheur du soir mal-saine ; et où l’obscurité de la nuit couvre des larcins et des meurtres. Si vous craignez les hivers du septentrion, dites moy quelles ombres, quel évantail, quelles fontaines pourroient si bien vous préserver à Rome des incommoditez de la chaleur, comme un poële et un grand feu pourront icy vous exempter du froid. Mais quelque avantage que la Hollande eût au dessus de l’Italie dans la pensée de M Descartes, la vuë de la religion catholique l’auroit infailliblement déterminé à se retirer au delà des Alpes, sans la crainte des maladies que la chaleur de l’air à coûtume de causer en Italie, où il proteste qu’il auroit passé tout le têms qu’il a vêcu en Hollande. Par ce moyen il auroit ôté tout prétexte à la calomnie de ceux qui le soupçonnoient d’aller au préche : mais il n’auroit peut-être pas vêcu dans une santé aussi entiére et aussi longue qu’il fit jusqu’à son voyage de Suéde.

Pour ce qui est du reproche qu’on luy faisoit de fuir la compagnie des hommes, il étoit bien persuadé que c’étoit moins sa cause particuliére que celle de tous les grands philosophes, qui pour se procurer la liberté de vacquer à l’étude et à la méditation ont abandonné la cour des princes, le séjour