Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/255

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retour à Amsterdam l’hiver suivant. Mais le traitté qu’il en avoit commençé fut interrompu par d’autres études, et il ne le reprit que dix ans aprés.

Ce qui l’empêcha d’abandonner tout à fait cét ouvrage fut un extrait que le P Mersenne luy envoya l’année suivante de ce dangereux écrit dont nous avons parlé, ne croyant pas qu’il luy fût permis de ne se pas opposer aux pernicieuses maximes qu’il renfermoit touchant la divinité. Je vous ay trop d’obligation, dit-il dans sa réponse à ce pére, de la peine que vous avez prise de m’envoyer un extrait de ce manuscrit. Le plus court moyen que je sçache pour répondre aux raisons qu’il apporte contre la divinité, et en même têms à toutes celles des autres athées, est de trouver une démonstration évidente qui fasse croire à tout le monde que Dieu est. Pour moy j’oserois me vanter d’en avoir trouvé une qui me satisfait entiérement, et qui me fait sçavoir plus certainement que Dieu est, que je ne sçay la vérité d’aucune proposition de géométrie.

Mais je ne sçay pas si je serois capable de la faire entendre à tout le monde de la même maniére que je l’entens : et je crois qu’il vaut mieux ne toucher point du tout à cette matiére que de la traitter imparfaitement. Le consentement universel de tous les peuples est suffisant pour maintenir la divinité contre les injures des athées : et un particulier ne doit jamais entrer en dispute contre eux, s’il n’est trés assuré de les convaincre. J’éprouveray dans la dioptrique si je suis capable d’expliquer mes conceptions, et de persuader aux autres une vérité, aprés que je me la suis persuadée, ce que je ne pense nullement. Mais si je trouvois par expérience que cela fût, je pourrois bien achever quelque jour un petit traitté de métaphysique que j’ay commencé étant en Frise, et dont les principaux points sont de prouver l’éxistence de Dieu et celle de nos ames lors qu’elles sont séparées du corps, d’où suit leur immortalité. Car je suis en colére quand je songe qu’il y a des gens au monde si audacieux et si impudens que de combatre contre Dieu.