Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/257

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mille rencontres qui ne se prévoient pas sur le papier, et que l’on corrige souvent d’une parole lors qu’on est présent, il étoit nécessaire qu’ils fussent ensemble.

Il luy promit que s’il étoit assez brave homme

pour faire le voyage et venir passer quelque têms avec luy dans le desert , il luy laisseroit tout le loisir de s’éxercer sans que personne le pût divertir ; qu’il éloigneroit de luy tous les objets capables de luy donner de l’inquiétude ; en un mot qu’il ne seroit en quoi que ce fût plus mal que luy, et qu’ils vivroient ensemble comme fréres . Il s’obligea de le défraier de toutes choses aussi long-têms qu’il luy plairoit de demeurer avec luy, et de le remettre dans Paris lors qu’il auroit envie d’y retourner. Ne pouvant luy faire donner d’argent à Paris sans faire connoître le lieu de sa demeure qu’il vouloit tenir caché, il lui fournit d’autres expédiens tant pour la dépense de sa personne que pour l’achât des outils et des meubles utiles à leur ménage. Il luy marqua sa route par Calais jusqu’à Rotterdam ou à Dort, où il l’addressa à M Beeckman recteur du collége, qui devoit luy fournir de sa part de l’argent, et tout ce dont il pourroit avoir besoin pour achever son voyage. Il luy conseilla d’apporter du sien tout ce qu’il auroit de la peine à quitter : et en cas d’embarras, de venir plûtôt tout nud que d’y manquer.

Il lui témoigna pourtant que s’il avoit actuellement quelque bonne fortune, il seroit faché de le débaucher ; mais que s’il n’étoit pas mieux que lors qu’il l’avoit quitté, il ne devoit point mettre en délibération le voyage qu’il luy proposoit. Enfin il luy manda qu’en l’attendant il prendroit un logis entier pour eux seuls, où ils pourroient vivre tous deux à leur mode et à leur aise .

La réponse que fit le Sieur Ferrier à des offres si avantageuses luy fit connoître qu’il manquoit de résolution pour ce voyage, et qu’il ne devoit point s’attendre à luy, soit à cause de l’honneur qu’il avoit d’être actuellement employé pour Gaston De France frére du roy, soit par l’espérance de rendre sa fortune meilleure à Paris qu’ailleurs.

M Descartes avoit déja fait provision d’un garçon qui sçeût faire la cuisine à la mode de France. Il songeoit à acheter des meubles, et vouloit prendre pour trois ans une partie du petit château de Franeker, où il s’étoit contenté jusques-là d’un simple