Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/273

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si doucement le têms en m’instruisant moi-même, que je ne me mets jamais à écrire mon traité que par contrainte, et pour m’acquitter de la résolution que j’ai prise de le mettre en état de vous l’envoyer au commencement de l’année 1633, si Dieu me conserve la vie jusques-là. Je vous détermine le têms pour m’y obliger davantage, et afin que vous m’en puissiez faire des reproches si j’y manque. Vous vous étonnerez sans doute que je prenne un si long terme pour écrire un discours qui sera si court, que je m’imagine qu’on le pourra lire en une aprés-dînée. La raison est, que j’ai plus de soin d’apprendre ce qui m’est necessaire pour la conduite de ma vie, à quoi il m’est beaucoup plus important de m’appliquer, que de m’amuser à publier le peu que j’ai appris. Que si vous trouvez étrange que je n’aye pas continué quelques autres traitez que j’avois commencez étant à Paris, je vous en dirai la raison.

C’est que pendant que j’y travaillois, j’acquerois un peu plus de connoissance que je n’en avois eu en commençant : et me voulant accommoder selon cet accroissement de connoissance, j’étois contraint de faire un nouveau projet un peu plus grand que le prémier. De même que si quelqu’un aiant commencé un bâtiment pour sa demeure, acqueroit cependant des richesses qu’il n’auroit pas esperées ; et changeant de condition en sorte que son bâtiment commencé fût trop petit pour lui, on ne le blâmeroit pas de le voir recommencer un autre édifice plus convenable à sa fortune.

Pendant que M Descartes disposoit ainsi les fondemens de sa nouvelle philosophie, celle d’Aristote qui s’enseignoit avec éclat dans l’université de Leyde perdit l’un de ses meilleurs appuis par la mort de François Burgersdick, qui avoit vécu en réputation d’habile homme, et qui avoit passé pour l’un des plus éclairez et des moins entêtez d’entre les péripatéticiens de son siécle. Burgersdick qui avoit toûjours eu une haute estime pour le génie d’Aristote, ne l’avoit jamais crû loüable d’avoir affecté d’écrire avec obscurité : et il ne le trouvoit excusable que sur la parole de Themistius son disciple, qui protestoit que ce grand maître n’avoit jamais eu intention d’écrire pour le public. Il sçavoit mauvais gré à la plûpart de ses interprétes, sans en excepter même Saint