Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/279

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pouvoit avoir mandé à M Descartes : et comme si la honte l’eût empêché de lui faire des excuses, il voulut recourir à des éclaircissemens, pour lui faire entendre que l’ouvrage qu’il s’étoit attribué étoit un manuscrit de sa main, où la ressemblance des choses avec celles de l’original du traité de la musique dont il étoit question avoit fait croire au P Mersenne que c’étoit l’ouvrage de M Descartes. Ce détour déplut à M Descartes, qui auroit souhaité que tout le monde eût eu la même droiture de cœur que lui ; et qui sur le rapport éxact du P Mersenne qui avoit employé plus d’un jour à la lecture de ce manuscrit dans Dordrecht, ne pouvoit pas douter que Béeckman ne se fit passer pour l’auteur de son ouvrage. Il étoit véritablement touché de voir que cét homme se vantât d’avoir écrit de si belles choses sur la musique, dans un têms où il n’en sçavoit que ce qu’il en avoit appris du livre de Jacques Le Févre d’Etaples. Mais ni cette considération, ni les autres sujets qu’il avoit de se plaindre de l’ingratitude de cét homme qu’il avoit reconnuë en beaucoup d’autres rencontres n’auroient jamais attiré de réponse à Béeckman, si M Descartes ne se fût trouvé dans la nécessité de mettre l’honneur du Pére Mersenne à couvert de ses insultes. Vous vous trompez, lui dit-il, et vous jugez tres-mal de l’honnêteté d’une personne aussi religieuse qu’est le p mersenne, si vous le soupçonnez de m’avoir fait quelque rapport de vous. Mais pour ne me point engager à la justification ni de ce pere ni d’aucun de ceux que vous pourriez accuser aussi injustement que lui : il faut vous dire que ce n’est ni de lui ni d’aucun autre, mais de vos lettres mêmes que j’ay appris ce que je trouve à reprendre en vous.

M Descartes venant de France au sortir de l’hiver de l’an 1629 pour se retirer en Hollande, étoit allé droit à Dordrecht voir le Sieur Béeckman comme un ancien amy avec lequel il prétendoit lier une société d’étude plus étroite que jamais. Pendant le peu de jours qu’il resta dans cette ville, Béeckman loin de lui donner quelques lumiéres, et de l’assister dans ses études, en arrêta le progrés durant quelque têms par les empêchemens qu’il y forma en lui demandant lui même du secours. Tout occupé qu’il étoit à des considérations dont Béeckman se reconnoissoit incapable, il fallut céder à ses importunitez, et